exploitable et diffusable pour la communauté scientifique
ne peut être utilisé à des fins commerciales
ANNODIS
projet financé par l'ANR (Agence Nationale pour la Recherche), CNRS, 2007-2010, dirigé par Maire-Paule Péry-Woodley, université de Toulouse - UTM
objectif : création d'un corpus de français écrit annoté discursivement
encodage des textes selon la norme de la Text Encoding Initiative, TEIP5
http://www.tei-c.org/release/doc/tei-p5-doc
Le Centre français sur les Etats-Unis
CFE
POLICY BRIEF DU CFE
15 JANVIER 2003
Les dernières élections de mi-mandat sont en opposition avec les schémas électoraux traditionnels : ce point a été souligné à maintes reprises dans la presse. La victoire du GOP (Grand Old Party) s'inscrit en faux contre cette " loi d'airain " de la démocratie américaine selon laquelle le parti du Président au pouvoir perd des sièges aux élections de mi-mandat. L'élection de 2002 rejoint en ceci les précédents de 1934 et de 1998, où des Présidents démocrates ont réussi à enregistrer des gains électoraux durant leur mandat. A chaque fois, l'Exécutif a pris avantage de cette situation pour faire passer son programme dans des conditions aisées. Le cas de FDR est, de ce point de vue, exemplaire. En 2002, le résultat de Bush est d'autant plus surprenant que le Législatif est rarement de la même orientation politique que le Président, et ce de manière de plus en plus fréquente depuis la fin des années soixante.
A un premier niveau, il semble ainsi que l'élection de 2002 mette un terme aux blocages partisans trop souvent caractéristiques de la vie politique américaine. Le Parti républicain est maintenant en position de totale responsabilité, tandis que le souvenir de la dernière présidentielle s'efface et, avec lui, le discrédit qui entachait à la fois la Cour Suprême et la Présidence. Néanmoins, dans les faits, cette conclusion exagère l'impact de la victoire républicaine. Comme on le verra, la fin d'un Congrès démocrate est loin d'être suffisant pour modifier les équilibres institutionnels : le mandat de Bush est fragile, et les contraintes qui pèsent sur ses décisions restent puissantes. A partir d'un bilan ponctuel de ces élections, on tentera donc de valider notre évaluation plus générale.
Les élections mettaient en jeu les 435 sièges de la Chambre des Représentants, 34 sièges au Sénat, et 36 postes de Gouverneurs. Malgré le second tour de l'élection sénatoriale en Louisiane le 7 décembre dernier et l'élection d'une Sénatrice démocrate, les résultats définitifs constituent une victoire assez nette pour les républicains : ils détiennent dorénavant une majorité de 51 sièges au Sénat (47 démocrates), de 228 sièges à la Chambre (203 démocrates), et de 26 Gouverneurs (24 démocrates). Ainsi, ils possèdent maintenant tous les leviers institutionnels du pouvoir - la Cour Suprême étant majoritairement conservatrice depuis les années quatre-vingt -, ce qui constitue une configuration extrêmement rare à l'aune de la pratique politique des vingt dernières années. Le " divided government ", l'opposition partisane entre Congrès et Présidence, caractérisant la vie politique américaine de façon particulièrement marquée depuis la fin des années soixante. Bush Jr. se retrouve maintenant en position de force ; et tous les commentateurs ont souligné la facilité que cela lui procurait dans la lutte anti-terroriste, aussi bien que dans la gestion de la crise irakienne. Nous allons ici nous pencher sur les conséquences purement partisanes et politiques sur la scène publique américaine.
Mais auparavant, il faut immédiatement souligner que ce succès est imputable à la stratégie individuelle du Président Bush. Il s'est personnellement impliqué dans le déroulement de la campagne, en jouant pleinement sur les règles localistes du scrutin. En première approche, il semble que cette participation individuelle extrêmement forte, en proportion inverse de sa fragilité issue de 2000, ait eu des conséquences positives pour les républicains. Sa popularité personnelle très solide (60% de satisfaits) a rejailli sur son parti. Néanmoins, une analyse plus fine révèle rapidement que le comportement du Président a surtout eu des conséquences sur le camp adverse, celui des démocrates. Ils ont été privés de toute marge de manoeuvre pour se distancier d'un Président qui n'a pas hésité à jouer la carte nationaliste pour s'assurer une vaste popularité. C'est donc d'abord la focalisation sur le Président, sensible pendant toute la campagne, qui a conduit à la défaite des démocrates. Leur absence de message fort a été flagrante. Tout comme le manque de figure charismatique pour se faire entendre, à l'exception, contestable, de Tom Daschle, Sénateur démocrate du Dakota du Sud (depuis 1986), et actuel président du groupe démocrate au Sénat (Senate Minority Leader depuis 1995). Si on prend les trois grands thèmes importants - les impôts, la sécurité du territoire (homeland security), et l'Irak - les démocrates ont apporté la preuve de leurs divisions, tout particulièrement en ce qui concerne la sécurité du territoire. En effet, la réorganisation de l'Etat fédéral impulsée par l'équipe Bush a une conséquence sociale lourde : elle conduit à modifier le statut de plusieurs catégories de fonctionnaires fédéraux, dans le sens de la remise en cause de certains de leurs acquis sociaux. Le mouvement de consolidation des structures fédérales à l'oeuvre se traduit concrètement par le regroupement des fonctionnaires fédéraux sur le plus petit dénominateur social commun. Etant donné le poids des syndicats au sein du Parti démocrate, on aurait pu s'attendre à une réaction vigoureuse de leur part. Or il n'en a rien été. Le discours nationaliste l'ayant très largement emporté de part et d'autre, il s'est avéré être un piège électoral particulièrement efficace pour les démocrates. Au niveau des classes moyennes modérées, les électeurs se sont tournés de préférence vers l'original plutôt que vers la copie : ils ont suivi les républicains plutôt que les démocrates. A l'inverse, au niveau des électeurs traditionnellement démocrates, le parti a souffert de son manque d'affirmation, de sa faible différenciation par rapport au GOP. Sur les autres sujets, le Président est aussi en mesure de mettre en oeuvre son programme. Il peut créer son fameux " Ministère de la Sécurité du Territoire ". Il va pouvoir aussi faire pérenniser plus facilement son programme de baisse des impôts : Thomas Daschle n'est plus en position de s'opposer. De même, d'autres projets devraient bénéficier de cette nouvelle configuration politique : celui de la privatisation des retraites (Social Security), ou encore l'exploitation des réserves énergétiques de l'ANWR (Alaska National Wildlife Refugee), chère à un grand nombre des contributeurs de la campagne républicaine.
En fin de compte, le Parti démocrate donne l'impression d'avoir perdu sur les deux tableaux. Il semble également que les responsables du parti aient, tout comme dans les années quatre-vingt, sous-estimé l'impact du " personnage " politique que s'est construit Bush : celui du Président " proche ", dépourvu de toute prétention intellectuelle, mais honnête, et capable de prendre une décision simple le moment venu. Reagan avait déjà utilisé cette caractéristique de la vie politique américaine, qui revient régulièrement sur le devant de la scène depuis Andrew Jackson dans les années 1830. Dans une période de crise et d'incertitude, les discours de type " Axe du Mal " sont bien perçus par l'électorat, à la différence des flottements enregistrés côté démocrate. Les responsables démocrates ont laissé une impression d'inutile sophistication. On pourrait aisément prendre d'autres exemples en politique interne, mais l'idée resterait la même : les démocrates n'ont pas saisi ce besoin de proximité des électeurs, à la différence d'un Président qui, lui, en use et abuse, notamment avec la lutte anti-terroriste.
C'est dans ce cadre général que prend place la recomposition des forces au Congrès et au niveau des Etats. Nous aimerions maintenant évoquer quelques-unes des personnalités marquantes qui émergent de cette élection, en commençant par le Congrès, puis en se penchant sur les Gouverneurs. Une fois ce panorama achevé, nous conclurons sur les limites qui, à court terme, vont sans doute conduire le Président à une certaine modération. Enfin, nous tenterons de tirer quelques conclusions générales sur l'état du système politique américain.
C'est bien sûr au Congrès que la situation évolue le plus, et d'abord pour les démocrates. Face au Président Bush, les démocrates semblent tiraillés entre un besoin de retour aux sources idéologiques et une poursuite de la politique de modération mise en oeuvre par Bill Clinton. Le choix de Nancy Pelosi, élue de San Francisco, comme Minority Leader (responsable de la minorité démocrate) à la Chambre des Représentants, et le maintien de Tom Daschle à la tête du groupe démocrate au Sénat traduisent, respectivement, cette tension. Nancy Patricia d'Alesandro Pelosi est une des plus élues les plus " libérales " de la nation, c'est-à-dire, engagée à gauche. Elle représente le 8ème district de Californie depuis 1987, en étant confortablement réélue à chaque fois. Elle a construit sa carrière sur la lutte contre le SIDA, et la fermeté de sa position vis-à-vis de la Chine. Malgré son opposition au Président Clinton sur de nombreux points - et en particulier la question chinoise - elle est un des plus efficaces contributeurs (fund-raiser) du Parti démocrate. Elle siège par ailleurs à la Commission du Renseignement (Intelligence Committee) depuis le 107ème Congrès, et dans celle d'attribution des crédits (Appropriations Committee) depuis le 102ème Congrès. Dès janvier 2002, elle avait obtenu le poste de Minority Whip, ce qui l'avait propulsé à un des deux postes les plus importants du groupe minoritaire. A première vue, ce sont les contributions financières obtenues par Pelosi qui lui ont valu cette importante promotion. Mais il reste que le message idéologique est également clair : son engagement à gauche est un signal de radicalisation des démocrate.
Face à cette recomposition démocrate, les républicains ne sont pas en reste. Tout comme chez leurs adversaires, la tendance est nettement à la radicalisation idéologique. Nancy Pelosi doit ainsi apprendre à cohabiter avec le Représentant Tom Delay, Whip du parti, allié indispensable du Speaker J. Dennis Hastert, et élu du Texas depuis 1984. Sa réputation de strict conservateur n'est plus à faire. Malgré ses relations tumultueuses avec l'ancien Speaker Newt Gingrich, c'est bien T. Delay qui a rédigé l'essentiel du programme conservateur de 1994 (Le Contrat avec l'Amérique), en s'en prenant notamment à l'extension du pouvoir fédéral. Il aurait largement contribué à la chute de Gingrich en 1997 et son remplacement par Hastert, le tout avec le soutien du " Majority Leader " Dick Armey. Ce trio - avec T.Delay occupant donc la troisième place - est plus que jamais fermement à la tête du Parti républicain. Hastert est clairement le plus modéré des trois. Ancien professeur d'histoire, Hastert est un élu républicain depuis 1986 pour la 14ème circonscription de l'Illinois. Sa promotion de Chief Deputy Majority Whip à celle de Speaker remonte à 1998, et fut organisée avec comme message explicite de calmer les haines partisanes au sein de la Chambre. On ne peut pas en dire autant du Majority Leader, Dick Armey, nettement plus idéologue. Elu de la 26ème circonscription du Texas depuis 1986, il est un ancien universitaire, économiste, partisan acharné de Reagan, et qui acquiert sa position de prééminence lors du 104ème Congrès. Ses conceptions fiscales extrêmement conservatrices sont connues : il est partisan d'un taux unique d'impôt fédéral sur le revenu - la fameuse " flat tax " à 17% - et s'était violemment opposé à Bush Sr lors de l'augmentation des impôts en 1990. Son activité intellectuelle est encore intense : outre une partie du programme de 1994, il a aussi écrit une série de livres d'actualité sur les nécessaires réformes à mener : Price Theory : A Policy-Welfare Approach (1977), The Freedom Revolution (1995) et The Flat Tax (1996).
Au Sénat, la situation est plus stable par définition. Mais là aussi, le constat est identique : l'activisme idéologique est de plus en plus marqué, tout particulièrement du côté républicain. Côté démocrate, en effet, le pragmatisme des " Nouveaux démocrates " chers à Bill Clinton semble se poursuivre. Tom Daschle, Senate Minority Leader depuis plusieurs années, représente, avec, jusqu'à récemment, Richard Gephart à la Chambre, une poursuite du pragmatisme clintonien. Le Président trouvait en eux d'utiles relais au sein du législatif, même si les ambitions des uns et des autres pouvaient occasionnellement perturber les relations. Après les derniers résultats, la démission de Gephart a ouvert la voie à Pelosi, Daschle restant seul. Sa pratique des républicains au cours du 104ème Congrès l'a habitué à adopter une position souple, tout en tenant efficacement la base. Il a ainsi pu réformer les règles du Sénat lors du 107ème Congrès dans un sens favorable aux démocrates. Son opposition au programme de Bush Jr est ferme - comme p.ex. sur les baisses d'impôts - mais sans caractère idéologique ou revendicatif comme certains le craignent de Pelosi. Daschle est maintenant considéré comme un des présidentiables démocrates potentiels en 2004, et ce d'autant plus que Gore a officiellement annoncé en décembre dernier qu'il ne se représenterait pas. Mais au sein du GOP, la situation est radicalement différente. Malgré le départ de certains " poids lourds " de la droite républicaine - Jesse Helms (Caroline du Nord) et Strom Thurmond (Caroline du Sud) - la relève est assurée par des élus clairement ancrés à droite : en l'occurrence Elizabeth Dole (élue à 54%) et Lindsay Graham (qui recueille 55% des voix). Le principal responsable du groupe républicain était le Sénateur du Missouri Trent Lott jusqu'en décembre 2002. Elu en 1988, il devient le " Majority Leader " du Sénat en 1996, à la fin du 104ème Congrès, lorsque Bob Dole se lance dans la campagne présidentielle. Son parcours de républicain modéré - il travaillait pour un Représentant démocrate lorsqu'il est arrivé à Washington en 1968 - a été régulièrement marqué par des déclarations embarrassantes. Par ailleurs, son arrivée comme " Majority Leader " a coincidé avec l'érosion de la majorité républicaine. Lott n'a jamais réellement réussi à consolider ses troupes. Ses tentatives pour atteindre un consensus sont fragiles, et ne résistent pas à sa propension à tenir haut et fort des propos trop controversés. Le pragmatisme contrarié de Lott est le résultat direct de l'amenuisement de la majorité républicaine jusqu'en 2002. Qu'en est-il maintenant que le GOP est dans une situation plus confortable, non seulement au Sénat, mais également à la Chambre et au niveau des Etats ? Peut-on s'attendre à une évolution sensible, peut-être plus radicale, du Parti républicain ? Pour l'instant, le nouveau responsable du GOP au Sénat, B. Frist, semble adopter une politique de stricte adhésion à la Présidence Bush. Mais il est encore trop tôt pour dire s'il va s'agir d'une personnalité de transition ou bien s'il pourra s'affirmer.
Au niveau des Gouverneurs, les changements sont moins massifs qu'au sein du Législatif. Néanmoins, ce n'est pas une fonction à négliger : tous les derniers Présidents d'envergure - Clinton, Bush Sr, Reagan et Carter - ont été des Gouverneurs avant d'atteindre la Présidence. Que ce soit l'Arkansas, la Californie, ou le Texas, l'accession au poste de Gouverneur semble maintenant être un marche-pied efficace pour atteindre le poste le plus élevé du pays. A ce niveau, une autre figure montante du Parti démocrate a acquis une certaine visibilité. Il s'agit de Bill Richardson, qui vient d'être élu Gouverneur du Nouveau Mexique en battant le républicain John Sanchez, 57% à 38%. En Europe, sa réputation vient essentiellement de son action diplomatique, notamment à l'ONU, entre 1997 et 1998. Il était devenu membre de l'équipe présidentielle de Clinton en 1998, comme Secrétaire à l'Energie, avant de se lancer dans une carrière politique nationale. Sa récente élection constitue ainsi son premier succès sur la voie de l'enracinement électoral, un élément qui, jusqu'à présent, avait toujours manqué à ce haut fonctionnaire. Ses prises de position traduisent une modération certaine, même si ses engagements en faveur de la lutte contre la pollution ou l'extension de la couverture-santé (health care) sont solides. A part ce nouveau venu sur la scène étatique, les autres résultats étaient attendus. La réelection de Jeb Bush en Floride n'est pas une surprise étant donné la soutien massif que son Président de frère lui a apporté : 56% contre 43% pour Bill McBride. En Californie, le démocrate modéré Gray Davis a été aisément réélu (48% contre 42% pour son adversaire, Bill Simon), de même que le républicain - lui aussi modéré et lui aussi élu en 1994 - de New York, George Pataki (à 50% contre 33% pour Carl McCall). La seule " surprise " vient peut-être du changement à Hawaï : cet Etat, historiquement démocrate, est passé aux républicains en élisant Linda Lingle à 52% contre 47% pour son adversaire. Les démocrates ont aussi reculé en Géorgie, en Caroline du Sud et dans le Maryland, où leur candidate, Kathleen Kennedy Towsend, est la fille aînée de Robert Kennedy. Ils ne l'ont emporté clairement que dans des Etats industriels comme l'Illinois, le Michigan (avec Jennifer Granholm, une des élues les plus en vue du Parti démocrate), et la Pennsylvanie.
Au-delà de ces résultats, on peut lire les élections de 2002 comme un effacement des controverses de la présidentielle de 2000. Certes, les attentats du 11 septembre 2001 ont déjà très largement permis au Président d'asseoir sa légitimité. Cette victoire charismatique a d'ores et déjà été mise au crédit du Président. L'apport des dernières élections est un peu différent, mais tout aussi sensible. Comme on le sait, la fragile majorité républicaine du 107ème Congrès (2000 - 2002) avait été remise en cause par la défection d'un Sénateur républicain modéré, qui, en se déclarant non-inscrit, avait fait passer la majorité du Sénat aux démocrates. Cet accident de parcours a maintenant été effacé. Les républicains ont récupéré leur majorité et ne dépendent plus du vote d'un Sénateur non-inscrit. De même, la Cour Suprême a maintenant retrouvé de son prestige, pourtant largement entamé par la " résolution " de la crise de l'élection présidentielle en 2000. Son soutien en faveur du candidat Bush Jr se trouve maintenant validé politiquement. Le Président peut ainsi considérer à nouveau la possibilité de nommer des Juges conservateurs non seulement à la Cour Suprême mais aussi aux cours fédérales inférieures. Alberto Gonzales est de plus en plus cité comme choix potentiel du Président en remplacement de Rehnquist, actuellement Président de la Cour (Chief Justice), ou de la Juge O'Connor. Par ailleurs, le Président pourrait aussi tenter à nouveau de choisir le Juge Charles W. Pickering pour un poste dans une Cour d'Appel, pourtant rejeté par la Commission Judiciaire du Sénat en mars 2002. En clair, et plus généralement, les élections de 2002 constituent une sortie de la crise de légitimité issue de la présidentielle de 2000. Tous les éléments ralentis ou décrédibilisés depuis la début de la Présidence Bush sont dorénavant débloqués politiquement et institutionnellement.
Néanmoins, malgré cette situation, il semble que le parti du Président doive modérer ses ambitions et gérer un grand nombre de contraintes. Ainsi, en dépit de la victoire des républicains, il faut largement en nuancer l'importance. Les caractéristiques de l'élection sont telles qu'il faut se garder de toute conclusion de long terme quant à la présidentielle de 2004.
La participation électorale ne permet pas d'avoir une vue complète de l'électorat. La participation s'est établie à 39.3%, en hausse légère de 2 points par rapport à l'an 2000. La participation n'a été véritablement élevée que dans quelques Etats bien précis, comme le Minnesota (avec le soudain décès du Sénateur P. Wellstone et la mobilisation autour de son remplacement), le Dakota du Sud, Etat d'origine de Tom Daschle : dans ces deux cas, la participation a pu atteindre 60%. Certains taux sont par contre curieusement bas. Ainsi des 45% du Maine, où la participation est normalement beaucoup plus élevée. Ou encore, la Floride, dont le taux ne dépasse pas 43%, alors que les enjeux y étaient particulièrement importants. Le Gouverneur de l'Etat, Jeb Bush, ayant en effet bénéficié d'un important soutien du Président, la médiatisation de l'élection a été particulièrement intense. Dans ces conditions, il n'y a pas vraiment de raz-de-marée électoral en faveur du Président, et encore moins de réalignement électoral. Une analyse plus précise confirme aisément ce diagnostic :
Ainsi, la pauvreté des marges électorales, auxquelles s'ajoutent le localisme des débats font de cette élection une victoire républicaine à l'arraché, bien loin de la présentation journalistique sur le thème de " l'exception " historique. En fait, la surréaction médiatique est la grande caractéristique de l'élection de 2002. Les observateurs prévoyant en majorité une continuation de l'effritement des positions républicaines, les quelques gains du GOP ont, au contraire, conduit à accorder trop d'importance à des résultats somme toute ponctuels et/ou difficiles, sans tenir compte d'autres facteurs : la participation électorale et la " fragmentation " du débat nationale, bien sûr, mais aussi des facteurs plus institutionnels.
Au Sénat par exemple, la vraie majorité n'est pas de 50, mais de 60, puisque c'est là la majorité nécessaire pour empêcher une obstruction parlementaire (filibuster). Dans ces conditions, et malgré le renforcement de la majorité républicaine, la continuité devrait être la règle en pratique ! Le GOP n'a aucune chance d'atteindre ce seuil. D'une manière plus générale, et comme toujours dans le système américain, la complexité de la procédure législative est telle, qu'elle assure une modération des républicains majoritaires. Autre élément qui devrait favoriser la prudence de l'équipe actuelle, la fragilité de la structure électorale du GOP. Le Nord-Est est une partie du pays déterminante pour les futurs succès du GOP : en effet, le Maine ayant élu deux Sénatrices républicaines modérées, Susan Collins et Olympia Snowe, et celles-ci sont tout à fait nécessaires pour n'importe quelle majorité, même simple, au Sénat. Or ces deux élues sont tout particulièrement modérées sur les questions de moeurs (l'une d'elle, Olympia Snowe, est même pro-choice). Dans ces conditions, le Parti républicain ne peut qu'adoucir ses prises de position, afin de conserver ses légers avantages sur les démocrates. Et ceci non seulement dans le domaine social, mais aussi dans d'autres. Ainsi, les derniers changements à la tête de la Commission de l'Environnement (Environment and Public Works) au Sénat en témoignent. La réputation d'opposant systématique à l'EPA (Environment Protection Agency) du nouveau Président, James M. Inhofe, devrait s'altérer devant les nécessités du compromis partisan. Ce schéma devrait se répéter et se généraliser au niveau de la collaboration institutionnelle.
Les élections de 2002 ne permettent pas de conclure sur un mandat clair pour le Président Bush. Sa victoire, indéniable, est somme toute modeste, et les gains enregistrés au Congrès ne sont pas tels qu'ils permettent au Président d'assurer le passage de ses principales mesures. A l'inverse, l'opinion publique, elle, perçoit bien les républicains comme étant maintenant responsables à part entière. Dans ces conditions, les démocrates peuvent s'assurer un certain rebond électoral s'ils évitent la marginalisation partisane qui est leur principal risque.
La seule conclusion à long terme que l'on semble pouvoir tirer de ces élections est le quasi-équilibre entre les différentes institutions. Il y a une forme d'entropie institutionnelle qui ressort des chiffres définitifs de l'élection rappelés au début de cet essai. Cette situation est en clair contraste avec les élections de 1994 : l'engagement idéologique avait été tel que les impasses auxquelles cela a conduit ont traumatisé les élus. Depuis lors, les responsables politiques jouent de préférence la carte de la modération, au point que le rapport de force partisan s'équilibre et bloque le processus décisionnel. En effet, la recherche de la modération ne va pas jusqu'à cultiver le consensus avec le parti adverse. Il semble tout simplement que le risque politique ne paie plus sur la scène publique américaine.