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|---|---|---|
Mais si je crois aux
choses démoniaques il faut de toute nécessité, n’est-ce pas ? que je
croie aussi aux démons
| ||
La conséquence n’est-elle pas forcée ? Si, elle
l’est, je dois admettre que tu en conviens, puisque tu ne réponds pas
| ||
Or ces démons, ne les regardons-nous pas comme des dieux ou des
enfants des dieux ? En conviens-tu, oui ou non ? – J’en conviens
| ||
– En
conséquence, si je crois aux démons, comme tu le reconnais, et si les
démons sont des dieux à quelque titre que ce soit, voilà ce qui me fait
dire que tu parles par énigmes et que tu te moques en disant que je ne
crois pas aux dieux et ensuite que je crois à des dieux, puisque je crois
aux démons
| ||
D’un autre côté, si les démons sont des enfants bâtards
des dieux, nés de nymphes ou d’autres mères, comme on le rapporte,
qui pourrait croire qu’il y a des enfants des dieux, mais qu’il n’y a pas
de dieux ? Ce serait aussi absurde que de croire que les mulets sont fils
de juments et d’ânes, mais qu’il n’existe ni chevaux ni ânes
| ||
Oui,
Mélètos, il est certain qu’en m’intentant cette action, tu as voulu
m’éprouver ou que tu t’es trouvé embarrassé de trouver contre moi un
grief véritable
| ||
Mais que tu persuades jamais à une personne tant soit
peu sensée que le même homme puisse croire qu’il y a des choses
démoniaques et des choses divines et que d’autre part il n’y a ni
démons, ni dieux, ni héros, cela est absolument impossible
| ||
XVI
| ||
– À vrai dire, Athéniens, pour vous convaincre que je ne suis
pas coupable des méfaits dont Mélètos me charge, je ne crois pas
devoir prolonger ma démonstration : ce que j’ai dit suffit
| ||
Mais,
comme je vous l’ai déclaré précédemment, j’ai contre moi de violentes
et nombreuses inimitiés, et rien n’est plus vrai, sachez-le bien
| ||
Et c’est
ce qui me perdra, si je dois être condamné : ce ne sera en effet ni
Mélètos, ni Anytos, mais bien les calomnies et l’envie de cette foule de
gens, qui ont déjà perdu beaucoup d’autres hommes de bien et qui en
perdront sans doute encore ; car il n’est pas probable que le mal
s’arrête à moi
| ||
Mais quelqu’un me dira peut-être : « Alors, tu n’as pas honte,
Socrate, d’avoir embrassé un genre de vie d’où tu risques aujourd’hui
de mourir ? » Je puis opposer à cet homme cette juste réponse : « Tu
n’es pas dans le vrai, mon ami, si tu crois qu’un homme qui a tant soit
peu de valeur doit calculer les chances qu’il a de vivre ou de mourir
| ||
Il
ne doit, quoi qu’il fasse, considérer qu’une chose, s’il agit justement ou
injustement, s’il se conduit en homme de cœur ou en lâche
| ||
À
t’entendre, il faudrait taxer de faibles d’esprit tous les demi-dieux qui
sont morts à Troie, notamment le fils de Thétis, qui compta pour si
peu le danger en présence du déshonneur
| ||
Le voyant impatient de tuer
Hector, sa mère, qui était déesse, lui parla à peu près en ces termes, si
j’ai bonne mémoire : « Mon enfant, si tu venges la mort de Patrocle et
si tu fais périr Hector, tu mourras, toi aussi ; car immédiatement après
Hector, dit-elle, c’est la destinée qui t’attend
| ||
» Cette prophétie ne
l’empêcha pas de mépriser la mort et le danger ; il craignait bien plus
de vivre en lâche sans venger ses amis
| ||
« Que je meure, aussitôt après
avoir puni le meurtrier, s’écria-t-il, afin de ne pas rester ici, près des
vaisseaux recourbés, en butte à la risée, inutile fardeau de la terre ! »
Penses-tu qu’il ait eu souci, lui, de la mort et du danger ? Voici, en
effet, Athéniens, la vraie règle de conduite : tout homme qui a choisi
un poste parce qu’il le jugeait le plus honorable ou qui y a été placé par
un chef, doit, selon moi, y rester, quel que soit le danger, et ne
considérer ni la mort ni aucun autre péril, mais avant tout l’honneur
| ||
XVII
| ||
– Ce serait donc de ma part une étrange contradiction,
Athéniens, si, après être resté tout comme un autre à risquer la mort
dans tous les postes où les généraux que vous aviez élus pour me
12 13 14
commander m’avaient placé, à Potidée , à Amphipolis , à Dèlion ,
j’allais maintenant, par crainte de la mort ou de tout autre danger,
déserter le poste où je me suis imaginé et persuadé que le dieu
m’appelait, en m’ordonnant de vivre en philosophant et en
m’examinant moi-même et les autres
| ||
C’est cela qui serait grave, et
c’est alors vraiment qu’on pourrait me traduire en justice pour ne pas
croire à l’existence des dieux, puisque je désobéirais à l’oracle, que je
craindrais la mort et que je me croirais sage alors que je ne le serais
pas
| ||
Car craindre la mort, Athéniens, ce n’est pas autre chose que de se
croire sage, alors qu’on ne l’est pas, puisque c’est croire qu’on sait ce
qu’on ne sait pas
| ||
Personne, en effet, ne sait ce qu’est la mort et si elle
n’est pas justement pour l’homme le plus grand des biens, et on la
craint, comme si l’on était sûr que c’est le plus grand des maux
| ||
Et
comment ne serait-ce pas là cette ignorance répréhensible qui consiste
à croire qu’on sait ce qu’on ne sait pas ? Or c’est peut-être par-là,
juges, que je diffère encore de la plupart des hommes et, si j’osais me
dire plus sage qu’un autre en quelque chose, c’est en ceci que, ne
sachant pas suffisamment ce qui se passe dans l’Hadès, je ne pense pas
non plus le savoir
| ||
Mais pour ce qui est de faire le mal et de désobéir à
un meilleur que soi, dieu ou homme, je sais que c’est mauvais et
honteux
| ||
Je crains donc les maux que je connais pour tels ; mais les
choses dont je ne sais si elles ne sont pas des biens, jamais je ne les
craindrai ni ne les fuirai
| ||
Ainsi, même si vous m’acquittez et n’écoutez pas Anytos, qui vous a
déclaré qu’il ne fallait pas du tout me traduire devant vous ou que, si
l’on m’y traduisait, vous deviez absolument me condamner à mort,
parce que, vous disait-il, si j’échappais, vos fils pratiqueraient les
enseignements de Socrate et se corrompraient tous entièrement ;
même si, ayant égard à cette assertion, vous me disiez : « Socrate, nous
n’écouterons pas Anytos, et nous t’acquittons, mais à une condition,
c’est que tu ne passeras plus ton temps à examiner ainsi les gens et à
philosopher ; et, si l’on te prend à le faire, tu mourras ; » si donc vous
m’acquittiez, comme je le disais, à cette condition, je vous répondrais :
« Athéniens, je vous sais gré et je vous aime, mais j’obéirai au dieu
plutôt qu’à vous, et, tant que j’aurai un souffle de vie, tant que j’en
serai capable, ne comptez pas que je cesse de philosopher, de vous
exhorter et de vous faire la leçon
| ||
À chacun de ceux que je
rencontrerai, je dirai ce que j’ai l’habitude de dire : « Comment toi,
excellent homme, qui es Athénien et citoyen de la plus grande cité du
monde et de la plus renommée pour sa sagesse et sa puissance,
comment ne rougis-tu pas de mettre tes soins à amasser le plus
d’argent possible et à rechercher la réputation et les honneurs, tandis
que de ta raison, de la vérité, de ton âme qu’il faudrait perfectionner
sans cesse, tu ne daignes en prendre aucun soin ni souci ? » Et si
quelqu’un de vous conteste et prétend qu’il en prend soin, je ne le
lâcherai pas et ne m’en irai pas immédiatement, mais je l’interrogerai,
je l’examinerai, je le passerai au crible, et s’il me paraît qu’il ne
possède pas la vertu, quoi qu’il en dise, je lui ferai honte d’attacher si
peu de prix à ce qui en a le plus et tant de valeur à ce qui en a le moins
| ||
Voilà ce que je ferai, quel que soit celui que je rencontrerai, jeune ou
vieux, étranger ou citoyen ; mais je le ferai surtout avec les citoyens,
puisque vous me touchez de plus près par le sang
| ||
Car c’est là ce
qu’ordonne le jeu, entendez-le bien ; et je suis persuadé que personne
encore n’a rendu à votre cité un plus grand service que moi en
exécutant l’ordre du dieu
| ||
Je n’ai pas en effet d’autre but, en allant par les rues, que de vous
persuader, jeunes et vieux, qu’il ne faut pas donner le pas au corps et
aux richesses et s’en occuper avec autant d’ardeur que du
perfectionnement de l’âme
| ||
Je vous répète que ce ne sont pas les
richesses qui donnent la vertu, mais que c’est de la vertu que
proviennent les richesses et tout ce qui est avantageux, soit aux
particuliers, soit à l’État
| ||
Si c’est en disant cela que je corromps les
jeunes gens, il faut admettre que ce sont des maximes nuisibles
| ||
Mais
si quelqu’un prétend que je dis autre chose que cela, il divague
| ||
Cela
étant, je vous dirai, Athéniens : « Écoutez Anytos, ou ne l’écoutez pas,
acquittez-moi ou ne m’acquittez pas ; mais tenez pour certain que je ne
ferai jamais autre chose, quand je devrais mourir mille fois
| ||
»
XVIII
| ||
– Ne vous récriez pas, Athéniens ; tenez-vous à ce que je
vous ai demandé, de ne pas protester, quoi que je dise, et de me prêter
l’oreille ; car vous aurez, je crois, profit à m’écouter
| ||
J’ai à vous dire
encore certaines choses qui pourraient vous faire jeter les hauts cris
| ||
Gardez-vous en bien, je vous prie
| ||
Soyez persuadés que, si vous me faites mourir, sans égard à
l’homme que je prétends être, ce n’est pas à moi que vous ferez le plus
de mal, c’est à vous-mêmes
| ||
Car pour moi, ni Mélètos, ni Anytos ne
sauraient me nuire, si peu que ce soit
| ||
Comment le pourraient-ils, s’il
est, comme je le crois, impossible au méchant de nuire à l’homme de
bien ? Ils pourront peut-être bien me faire condamner à la mort ou à
l’exil ou à la perte de mes droits civiques, et ce sont là, sans doute, de
grands malheurs aux yeux de mes accusateurs et de quelques autres
peut-être ; mais moi, je ne pense pas ainsi : je considère que c’est un
mal bien autrement terrible de faire ce qu’ils font, quand ils
entreprennent de faire périr un innocent
| ||
Aussi, Athéniens, ce n’est
pas, comme on pourrait le croire, pour l’amour de moi que je me
défends à présent, il s’en faut de beaucoup ; c’est pour l’amour de
vous ; car je crains qu’en me condamnant vous n’offensiez le dieu dans
le présent qu’il vous a fait
| ||
Si en effet, vous me faites mourir, vous ne
trouverez pas facilement un autre homme qui, comme moi, ait été
littéralement, si ridicule que le mot puisse paraître, attaché à la ville
par le dieu, comme un taon à un cheval grand et généreux, mais que sa
grandeur même alourdit et qui a besoin d’être aiguillonné
| ||
C’est ainsi,
je crois, que le dieu m’a attaché à la ville : je suis le taon qui, de tout le
jour, ne cesse jamais de vous réveiller, de vous conseiller, de
morigéner chacun de vous et que vous trouvez partout, posé près de
vous
| ||
Un homme comme moi, juges, vous ne le retrouverez pas
facilement et, si vous m’en croyez, vous m’épargnerez
| ||
Mais peut-être,
impatientés comme des gens assoupis qu’on réveille, me donnerez-
vous une tape, et, dociles aux excitations d’Anytos, me tuerez-vous
sans plus de réflexion ; après quoi vous pourrez passer le reste de votre
vie à dormir, à moins que le dieu, prenant souci de vous, ne vous
envoie quelqu’un pour me suppléer
| ||
En tout cas, que je sois justement
ce que devait être un homme donné à la ville par le dieu, vous pouvez
le reconnaître à ceci, c’est qu’il y a quelque chose de plus qu’humain
dans le fait que j’ai négligé toutes mes affaires et que je les laisse en
souffrance depuis tant d’années pour m’occuper sans cesse des vôtres,
m’approchant de chacun de vous en particulier, comme un père ou un
frère aîné, et le pressant de s’appliquer à la vertu
| ||
Si j’en retirais
quelque profit, si je recevais un salaire pour mes exhortations, ma
conduite s’expliquerait
| ||
Mais vous voyez bien vous-mêmes que mes
accusateurs, qui accumulent contre moi tous les griefs avec tant
d’impudence, n’ont pas pu pousser l’effronterie jusqu’à produire un
témoin qui atteste que j’aie jamais exigé ou demandé quelque salaire
| ||
C’est que, pour attester que je dis vrai, je produis, moi, un témoin que
je sais irrécusable, ma pauvreté
| ||
XIX
| ||
– Mais peut-être paraît-il étrange que j’aille par les rues,
donnant des conseils en particulier et me mêlant des affaires des
autres, et qu’en public je n’ose pas paraître dans vos assemblées et
donner des conseils à la république
| ||
Cela tient à ce que vous m’avez
souvent et partout entendu dire, qu’un signe divin et démoniaque se
manifeste à moi, ce dont Mélètos a fait par dérision un de ses chefs
d’accusation
| ||
Cela a commencé dès mon enfance ; c’est une sorte de
voix qui, lorsqu’elle se fait entendre, me détourne toujours de ce que je
me propose de faire, mais ne m’y pousse jamais
| ||
C’est elle qui s’oppose
à ce que je m’occupe de politique, et je crois qu’il est fort heureux pour
moi qu’elle m’en détourne
| ||
Car sachez-le bien, Athéniens, si, dès ma
jeunesse, je m’étais mêlé des affaires publiques, je serais mort dès ma
jeunesse, et je n’aurais rendu aucun service ni à vous, ni à moi-même
| ||
Et ne vous fâchez pas contre moi si je vous dis la vérité : il n’est
personne qui puisse sauver sa vie, s’il s’oppose bravement à vous ou à
toute autre assemblée populaire, et s’il veut empêcher qu’il ne se
commette beaucoup d’injustices et d’illégalités dans l’État
| ||
Il faut
absolument, quand on veut combattre réellement pour la justice et si
l’on veut vivre quelque temps, se confiner dans la vie privée et ne pas
aborder la vie publique
| ||
XX
| ||
– Et je vais vous en donner de fortes preuves, non point par
des paroles, mais, ce qui a du poids auprès de vous, par des faits
| ||
Écoutez donc ce qui m’est arrivé
| ||
Vous saurez par là que la crainte de
la mort est impuissante à me faire rien céder à qui que ce soit
contrairement à la justice et qu’en ne cédant pas je m’exposerais à une
mort certaine
| ||
Je vais vous parler avantageusement de moi comme un
plaideur, mais en toute sincérité
| ||
Je n’ai jamais, Athéniens, exercé
qu’une fonction publique : j’ai été sénateur
| ||
Or il s’est trouvé que la
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tribu Antiochide, la nôtre, était en possession de la prytanie au
moment où vous vouliez juger ensemble les dix généraux qui n’avaient
pas relevé les morts après le combat naval
| ||
C’était contraire à la loi,
comme vous l’avez tous reconnu par la suite
| ||
Je fus alors le seul parmi
les prytanes qui m’opposai à toute violation de la loi et qui votai contre
vous
| ||
Les orateurs étaient prêts à me dénoncer et à me citer en justice
et vous les y excitiez par vos cris ; je n’en pensais pas moins qu’il était
de mon devoir de braver le danger jusqu’au bout avec la loi et la justice
plutôt que de me mettre de votre côté et de céder à vos injustes
résolutions, par crainte de la prison ou de la mort
| ||
Et cela se passait quand la cité était encore en démocratie
| ||
Mais
quand vint l’oligarchie, les Trente, à leur tour, m’ayant mandé, moi
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cinquième, à la tholos , me donnèrent l’ordre d’amener de Salamine
Léon le Salaminien pour qu’on le mît à mort ; car ils donnèrent
souvent à beaucoup d’autres des ordres de ce genre pour associer à
leur responsabilité le plus de citoyens possible
| ||
En cette circonstance,
je fis encore voir, non par des paroles, mais par mes actes, que, si je
puis le dire sans vous choquer, je me soucie de la mort comme de rien
et que mon seul souci, c’est de ne rien faire d’injuste ni d’impie
| ||
Aussi
ce pouvoir, si fort qu’il fût, ne m’impressionna pas au point de me faire
commettre une injustice
| ||
Quand nous fûmes sortis de la tholos, les
quatre autres partirent pour Salamine et en ramenèrent Léon, et moi
je rentrai chez moi
| ||
Et j’aurais peut-être payé cela de ma vie, si ce
gouvernement n’avait pas été renversé peu après
| ||
Ces faits vous seront
attestés par un grand nombre de témoins
| ||
XXI
| ||
– Croyez-vous maintenant que j’aurais vécu tant d’années si
je m’étais mêlé des affaires publiques, et si, les traitant en honnête
homme, j’avais pris la défense de la justice, en la mettant, comme on le
doit, au-dessus de tout ? Il s’en faut de beaucoup, Athéniens, et aucun
autre, non plus que moi, n’y serait arrivé
| ||
Pour moi, pendant toute ma
vie, on reconnaîtra que je me suis montré tel dans les emplois publics
que j’ai pu remplir, et tel aussi dans mes relations privées, n’ayant
jamais rien concédé à personne contrairement à la justice, non pas
même à aucun de ceux que mes calomniateurs disent être mes
disciples
| ||
Je n’ai jamais, en effet, été le maître de personne
| ||
Mais si
quelqu’un désire m’entendre quand je parle et remplis ma mission,
jeune ou vieux, je n’ai jamais refusé ce droit à personne
| ||
Je ne suis pas
homme à parler pour de l’argent et à me taire, si l’on ne m’en donne
pas
| ||
Je me mets à la disposition des pauvres aussi bien que des riches,
pour qu’ils m’interrogent, ou, s’ils le préfèrent, pour que je les
questionne et qu’ils entendent ce que j’ai à dire
| ||
Si tel ou tel d’entre
eux devient honnête où malhonnête homme, il n’est pas juste de m’en
rendre responsable, puisque je n’ai jamais promis ni donné aucune
leçon à personne
| ||
Et si quelqu’un prétend avoir jamais appris ou
entendu de moi en particulier quelque chose que tous les autres
n’aient pas également entendu, sachez bien qu’il ne dit pas la vérité
| ||
XXII
| ||
– Mais pourquoi donc certains auditeurs prennent-ils plaisir
à rester de longues heures en ma compagnie ? Je vous l’ai expliqué,
Athéniens, et je vous ai dit toute la vérité : c’est qu’ils ont du plaisir à
m’entendre examiner ceux qui s’imaginent être sages et qui ne le sont
pas, et, en effet, cela n’est pas sans agrément
| ||
Et c’est, je vous le répète,
le dieu qui m’a prescrit cette tâche par des oracles, par des songes et
par tous les moyens dont un dieu quelconque peut user pour assigner
à un homme une mission à remplir
| ||
Ce que je dis là, Athéniens, est vrai
et facile à vérifier
| ||
Car si vraiment je corromps les jeunes gens et si j’en
ai déjà corrompu auparavant, n’est-il pas vrai que certains d’entre eux,
ayant reconnu en vieillissant que je leur ai donné de pernicieux
conseils dans leur jeunesse, devraient aujourd’hui se présenter ici pour
m’accuser et me faire punir, et, s’ils ne voulaient pas le faire eux-
mêmes, que certains membres de leur famille, pères, frères ou autres
parents, si j’avais fait du mal à leurs proches, devraient s’en souvenir à
présent et en tirer vengeance
| ||
En tout cas, beaucoup d’entre eux sont
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ici : je les vois
| ||
Voici d’abord Criton , qui est du même âge et du
même dème que moi, père de Critobule ici présent ; puis Lysanias de
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Sphettos, père d’Eschine , également présent
| ||
Voici encore Antiphon
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de Képhisia, père d’Épigénès ; d’autres encore que voici, dont les
frères ont vécu en ma compagnie, Nicostratos, fils de Théozotidès et
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frère de Théodote ; or Théodote est mort, il ne pourrait donc
l’influencer par ses prières ; puis Paralos que vous voyez, fils de
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Dèmodocos, dont le frère était Théagès , puis Adimante , fils
d’Ariston, dont Platon que voilà est le frère, et Aïantodore, dont voici
23
le frère Apollodore
| ||
Et je pourrais vous en nommer beaucoup
d’autres, dont Mélètos aurait dû citer au moins un comme témoin
dans son accusation
| ||
S’il n’y a pas pensé, qu’il le cite à présent, je l’y
autorise, et, s’il peut produire un témoignage de ce genre, qu’il le dise
| ||
Mais tout au contraire, Athéniens, vous les trouverez tous prêts à
m’assister, moi qui corromps leurs proches, moi qui leur fais du mal,
au dire de Mélètos et d’Anytos
| ||
Il est vrai que ceux qui sont corrompus
auraient peut-être quelque raison de me défendre ; mais leurs parents,
que je n’ai point séduits, qui sont déjà avancés en âge, quel motif ont-
ils de m’assister, sinon la loyauté et la justice, parce qu’ils ont
conscience que Mélètos ment et que moi, je dis la vérité ?
XXIII
| ||
– En voilà assez, juges : les arguments que je puis donner
pour ma défense se réduisent à peu près à ceux-là, ou peut-être à
quelques autres du même genre
| ||
Mais peut-être se trouvera-t-il
quelqu’un parmi vous qui s’indignera, en se souvenant que lui-même,
ayant à soutenir un procès de moindre conséquence que le mien, a prié
et supplié les juges avec force larmes, qu’il a fait monter au tribunal
ses petits enfants, afin de les attendrir le plus possible, et avec ses
enfants, beaucoup de parents et d’amis, tandis que moi, je ne veux
naturellement rien faire de tout cela, alors même que je puis me croire
en butte au suprême danger
| ||
Il se peut qu’en pensant à cela, il me
tienne rigueur et qu’irrité de mon procédé, il dépose son suffrage avec
colère
| ||
Si quelqu’un de vous est dans ces sentiments, ce que je ne crois
pas pour ma part, mais enfin s’il les a, je crois que je lui ferai une
réponse raisonnable en lui disant : « Moi aussi, excellent homme, j’ai
des parents ; car, comme dit Homère, je ne suis pas né d’un chêne ni
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d’un rocher , mais d’êtres humains
|
Subsets and Splits
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