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|---|---|---|
Un tel homme, en effet, ne saurait être aimé d’un autre homme ni de
Dieu ; car il ne peut lier société avec personne, et, sans société, pas d’amitié
| ||
40
Les savants , Calliclès, disent que le ciel et la terre, les dieux et les hommes
sont unis ensemble par l’amitié, la règle, la tempérance et la justice, et c’est
pour cela, camarade, qu’ils donnent à tout cet univers le nom d’ordre, et non
de désordre et de dérèglement
| ||
Mais il me semble que toi, tu ne fais pas
attention à cela, malgré toute ta science, et tu oublies que l’égalité
41
géométrique a beaucoup de pouvoir chez les dieux et chez les hommes
| ||
Toi,
tu penses, au contraire, qu’il faut tâcher d’avoir plus que les autres ; c’est que
tu négliges la géométrie
| ||
Mais passons
| ||
Il faut maintenant, ou bien réfuter mon argumentation et
prouver que les heureux ne doivent point leur bonheur à la possession de la
justice et de la tempérance, ni les malheureux leur misère à celle du vice, ou
bien, si mon argumentation est juste, il faut en examiner les conséquences
| ||
Or, ces conséquences, Calliclès, ce sont toutes les affirmations à propos
desquelles tu m’as demandé si je parlais sérieusement, lorsque j’ai avancé
que, si l’on avait commis une injustice, il fallait s’accuser soi-même, son fils,
son camarade, et se servir pour cela de la rhétorique
| ||
Et ce que tu t’imaginais
que Polos m’accordait par fausse honte était donc la vérité, à savoir qu’il est
plus laid de commettre une injustice que de la subir, et d’autant plus
désavantageux que c’est plus laid ; et que, si l’on veut être un bon orateur, il
faut être juste et versé dans la science de la justice, ce que Polos à son tour
reprochait à Gorgias de m’accorder par fausse honte
| ||
LXIV
| ||
– Cela posé, examinons ce que valent les reproches que tu me fais, et si tu
as raison ou non de dire que je ne suis pas en état de me secourir moi-même,
ni aucun de mes amis ou de mes proches et de me tirer des plus grands
dangers, que je suis, comme un homme noté d’infamie, à la merci du premier
venu qui voudra, selon ton énergique expression, m’assener son poing sur la
joue, me dépouiller de mes biens, me bannir de la cité, ou, pis encore, me
mettre à mort, et qu’être dans une telle situation est la chose la plus honteuse
du monde
| ||
Telle était ton opinion
| ||
Voici la mienne : je l’ai déjà exprimée plus
d’une fois, mais rien n’empêche de la répéter
| ||
Je nie, Calliclès, que la chose la plus honteuse soit d’être souffleté
injustement ou de se voir couper les membres ou la bourse, et je soutiens
qu’il est plus honteux et plus mal de me frapper, de me mutiler injustement,
moi et les miens, et que me voler, me réduire en esclavage, percer ma
muraille, en un mot, commettre une injustice quelconque contre moi ou
contre ce qui m’appartient est une chose plus mauvaise et plus laide pour
celui qui commet l’injustice que pour moi qui en suis victime
| ||
Ces vérités qui nous sont apparues plus haut dans nos précédents discours,
comme je le soutiens, sont attachées et liées, si je puis employer cette
expression hardie, par des raisons de fer et de diamant, du moins à ce qu’il
me semble
| ||
Si tu ne parviens pas à les rompre, toi ou quelque autre plus
vigoureux que toi, il n’est pas possible de tenir un autre langage que le mien,
si l’on veut être dans le vrai
| ||
Pour moi, en effet, je répète toujours la même
chose, que j’ignore ce qui en est, mais que de tous ceux que j’ai rencontrés,
comme toi aujourd’hui, il n’en est aucun qui ait pu parler autrement sans
prêter au ridicule
| ||
J’affirme donc encore une fois que les choses sont ainsi ; mais si elles sont
ainsi, et si l’injustice est le plus grand des maux pour celui qui la commet, et
si, tout grand qu’est ce mal, c’en est un pire encore, s’il est possible, de n’être
pas puni quand on est coupable, quel est le genre de secours qu’il serait
vraiment ridicule de ne pouvoir s’assurer à soi-même ? N’est-ce pas celui qui
détournera de nous le plus grand dommage ? Oui, ce qu’il y a
incontestablement de plus laid en cette matière, c’est de ne pouvoir secourir
ni soi-même, ni ses amis et ses proches
| ||
Au second rang vient le genre de
secours qui nous protège contre le second mal ; au troisième rang, celui qui
nous protège du troisième mal, et ainsi de suite
| ||
Plus le mal est grave, plus il
est beau d’être capable d’y résister et honteux de ne pas l’être
| ||
Cela est-il
autrement ou comme je le dis, Calliclès ?
CALLICLÈS
Il n’en est pas autrement
| ||
SOCRATE
LXV
| ||
– De ces deux choses, commettre l’injustice et la subir, nous déclarons que
le mal est le plus grand pour celui qui la commet, moins grand pour celui qui
la subit
| ||
Que faut-il donc que l’homme se procure pour se défendre et
s’assurer le double avantage de ne commettre et de ne subir aucune
injustice ? Est-ce la puissance ou la volonté ? Voici ce que je veux dire
| ||
Suffit-il de vouloir ne pas subir d’injustice pour en être préservé, ou est-ce en
se ménageant de la puissance qu’on s’en préservera ?
CALLICLÈS
C’est évidemment en se ménageant de la puissance
| ||
SOCRATE
Et pour ce qui est de commettre l’injustice ? Est-ce assez de ne pas vouloir
la commettre – en ce cas, en effet, on ne la commettra pas – ou bien faut-il
pour cela acquérir une certaine puissance et un certain art dont la
connaissance et la pratique peuvent seules nous empêcher d’être injustes ?
Réponds-moi sur ce point particulier, Calliclès
| ||
Penses-tu que, quand nous
sommes convenus, Polos et moi, au cours de la discussion, que personne
n’est injuste volontairement, mais que tous ceux qui font le mal le font
malgré eux, nous avons été contraints à cet aveu par de bonnes raisons, ou
non ?
CALLICLÈS
Je te passe ce point, Socrate, pour que tu puisses achever ton discours
| ||
SOCRATE
Il faut donc, à ce qu’il paraît, se procurer une certaine puissance et un
certain art pour réussir à ne point commettre d’injustice
| ||
CALLICLÈS
Certainement
| ||
SOCRATE
Maintenant, quel peut bien être l’art qui nous met en état de ne point subir
l’injustice ou d’en subir le moins possible ? Vois si tu es de mon avis sur ce
point
| ||
Je pense, moi, qu’il faut posséder dans la cité le pouvoir ou même la
tyrannie, ou bien être un ami du gouvernement existant
| ||
CALLICLÈS
Tu peux voir, Socrate, avec quel empressement je t’approuve, quand tu dis
quelque chose de juste
| ||
Ceci me paraît tout à fait bien dit
| ||
SOCRATE
LXVI
| ||
– Examine maintenant si ce que je vais dire te paraît également bien dit
| ||
Il
me semble à moi que la plus étroite amitié qui puisse lier un homme à un
homme est, comme le disent les anciens sages, celle qui unit le semblable au
semblable
| ||
Et à toi ?
CALLICLÈS
À moi aussi
| ||
SOCRATE
Ainsi là où le pouvoir appartient à un tyran sauvage et grossier, s’il y a
dans la cité quelque citoyen beaucoup meilleur que lui, le tyran le redoutera
certainement et ne pourra jamais l’aimer du fond du cœur
| ||
CALLICLÈS
C’est exact
| ||
SOCRATE
Mais s’il y a un homme beaucoup plus mauvais que lui, le tyran ne saurait
l’aimer non plus ; car il le mépriserait et ne rechercherait jamais son amitié
| ||
CALLICLÈS
C’est vrai aussi
| ||
SOCRATE
Alors le seul ami digne de considération qui lui reste est un homme du
même caractère que lui ; qui blâme et loue les mêmes choses et qui consent à
lui obéir et à s’incliner sous son autorité
| ||
Celui-là jouira d’un grand pouvoir
dans la cité et personne ne pourra se féliciter de lui faire du mal
| ||
N’est-ce pas
la vérité ?
CALLICLÈS
Si
| ||
SOCRATE
Si donc quelque jeune homme dans cette cité, se disait à lui-même :
« Comment pourrais-je devenir puissant et me mettre à l’abri de toute
injustice ? » voici, semble-t-il, la route à suivre, c’est de s’habituer de bonne
heure à aimer et à haïr les mêmes choses que le maître et de s’arranger pour
lui ressembler le plus possible
| ||
N’est-ce pas vrai ?
CALLICLÈS
Si
| ||
SOCRATE
Voilà l’homme qui réussira à se mettre à l’abri de l’injustice et à devenir,
comme vous dites, puissant dans la cité
| ||
CALLICLÈS
Parfaitement
| ||
SOCRATE
Mais réussira-t-il également à ne pas commettre d’injustice ? Ou s’en faut-
il de beaucoup, s’il doit ressembler à son maître, qui est injuste, et avoir un
grand crédit près de lui ? Moi, je pense, au contraire, qu’il s’arrangera pour
pouvoir commettre le plus d’injustices possible et n’en pas être puni
| ||
Qu’en
dis-tu ?
CALLICLÈS
Il y a apparence
| ||
SOCRATE
Il aura donc en lui le plus grand des maux, une âme pervertie et dégradée
par l’imitation de son maître et par la puissance
| ||
CALLICLÈS
Je ne sais pas comment tu peux, Socrate, mettre sens dessus dessous tous
les raisonnements
| ||
Ne sais-tu pas que cet imitateur fera périr, s’il le veut,
celui qui n’imite pas le tyran et lui enlèvera ses biens ?
SOCRATE
Je le sais, mon bon Calliclès
| ||
Il faudrait être sourd pour l’ignorer ; car je te
l’ai entendu dire à toi, et je l’ai entendu répéter maintes fois tout à l’heure à
Polos, et à presque tous les habitants de la ville
| ||
Mais à ton tour, écoute ceci :
Oui, il tuera, s’il veut, mais c’est un méchant qui tuera un honnête homme
| ||
CALLICLÈS
N’est-ce pas précisément cela qui est le plus révoltant ?
SOCRATE
Non pas, du moins pour un homme sensé, comme la raison le démontre
| ||
Crois-tu donc que le but des efforts de l’homme soit de vivre le plus
longtemps possible et de pratiquer les arts qui nous sauvent toujours des
dangers, comme cette rhétorique que tu me conseilles de cultiver, parce
qu’elle nous sauve dans les tribunaux ?
CALLICLÈS
Oui, par Zeus, et mon conseil est bon
| ||
SOCRATE
LXVII
| ||
– Mais voyons, mon excellent ami
| ||
Penses-tu que l’art de nager soit aussi
un art considérable ?
CALLICLÈS
Non, par Zeus
| ||
SOCRATE
Et pourtant cet art aussi sauve les hommes de la mort, dans les accidents
où l’on a besoin de savoir nager
| ||
Mais si cet art te paraît mesquin, je vais t’en
nommer un plus important, l’art de gouverner les vaisseaux, qui sauve des
plus grands périls non seulement les âmes, mais aussi les corps et les biens,
comme la rhétorique
| ||
Et cet art est simple et modeste ; il ne se vante pas, il ne
prend pas de grands airs, comme s’il accomplissait des merveilles
| ||
Bien qu’il
nous procure les mêmes avantages que l’éloquence judiciaire, quand il nous a
ramenés sains et saufs d’Égine ici, il ne prend, je crois, que deux oboles ; si
c’est de l’Égypte ou du Pont, pour ce grand service, pour avoir sauvé ce que
je disais tout à l’heure, notre personne, nos enfants, nos biens et nos femmes,
en nous débarquant sur le port, il nous demande tout au plus deux drachmes
| ||
Et l’homme qui possède cet art et qui a accompli tout cela, une fois descendu
à terre, se promène sur le quai près de son vaisseau, avec une contenance
modeste
| ||
C’est qu’il sait, je pense, se dire à lui-même qu’il est difficile de
reconnaître les passagers auxquels il a rendu service, en les préservant de se
noyer, et ceux auxquels il a fait tort ; car il n’ignore pas qu’en les débarquant
il ne les a laissés aucunement meilleurs qu’ils n’étaient en s’embarquant, ni
pour le corps ni pour l’âme
| ||
Il se dit donc ceci : « Si quelqu’un, atteint en son
corps de maladies graves et incurables, n’a pas été noyé, c’est un malheur
pour lui de n’être pas mort et je ne lui ai fait aucun bien ; de même, si un
autre porte en son âme, plus précieuse que son corps, une foule de maladies
incurables, il n’a plus besoin de vivre, et je ne lui rendrai pas service en le
sauvant de la mer ou des tribunaux ou de tout autre péril
| ||
» Il sait en effet que
ce n’est pas pour le méchant un avantage de vivre, puisqu’il ne peut que vivre
mal
| ||
LXVIII
| ||
– Voilà pourquoi le pilote n’a pas l’habitude de tirer vanité de son art, bien
qu’il nous sauve, non plus, mon admirable ami, que le constructeur de
machines, qui parfois peut sauver des choses aussi importantes, je ne dis pas
que le pilote, mais que le général d’armée ou tout autre, quel qu’il soit,
puisqu’il sauve quelquefois des villes entières
| ||
Tu ne crois pas, n’est-ce pas,
qu’il est comparable à l’orateur judiciaire ? Pourtant, s’il voulait parler
comme vous, Calliclès, il vous accablerait de ses raisons et vous dirait et vous
conseillerait de vous faire constructeurs de machines, attendu que le reste
n’est rien ; car il ne manquerait pas d’arguments
| ||
Mais toi, tu ne l’en
méprises pas moins, lui et son art, tu lui jetterais volontiers le nom de
machiniste comme une injure et tu ne consentirais ni à donner ta fille à son
fils ni à épouser toi-même sa fille à lui
| ||
Cependant, à examiner les raisons
pour lesquelles tu magnifies ton art, de quel droit méprises-tu le machiniste et
les autres dont je parlais tout à l’heure ? Je sais bien que tu alléguerais que tu
es meilleur qu’eux et de meilleure famille
| ||
Mais si le meilleur est autre chose
que ce que je dis, si la vertu consiste uniquement à sauver sa personne et ses
biens, quoi qu’on vaille d’ailleurs, tu es ridicule de dénigrer le machiniste, le
médecin et les autres arts qui ont été inventés pour nous sauver
| ||
Vois plutôt, mon bienheureux ami, si la noblesse de l’âme et le bien ne
seraient pas autre chose que de sauver les autres et se sauver soi-même du
péril
| ||
Car de vivre plus ou moins longtemps, c’est, sois-en sûr, un souci dont
l’homme véritablement homme doit se défaire
| ||
Au lieu de s’attacher à la vie,
il doit s’en remettre là-dessus à la Divinité et croire, comme disent les
42
femmes, que personne au monde ne saurait échapper à son destin ; puis
chercher le moyen de vivre le mieux possible le temps qu’il a à vivre
| ||
Faut-il
pour cela s’adapter à la constitution politique du pays qu’on habite ? En ce
cas, tu devrais toi-même te rendre aussi semblable que possible au peuple
d’Athènes, si tu veux en être aimé et devenir puissant dans l’État
| ||
Vois si
c’est là ton avantage et le mien, afin, mon noble ami, que nous n’éprouvions
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pas ce qui arrive, dit-on, aux Thessaliennes qui attirent la lune à elles ; car
c’est aux dépens de ce que nous avons de plus cher que nous attirerons à nous
cette grande puissance dans l’État
| ||
Mais si tu crois que quelqu’un au monde te transmettra un moyen
quelconque de te rendre puissant dans la cité, si tes mœurs diffèrent de sa
constitution, soit en bien soit en mal, c’est qu’à mon avis, tu raisonnes mal,
Calliclès
| ||
Ce qu’il faut, ce n’est pas les imiter, c’est leur ressembler
naturellement, si tu veux effectivement réussir à gagner l’amitié du Démos
d’Athènes et aussi, par Zeus, celle de Démos, fils de Pyrilampe
| ||
C’est donc
celui qui te rendra tout à fait pareil à eux qui fera de toi, comme tu le désires,
un politique et un orateur
| ||
Chacun d’eux aime les discours qui s’accordent à
son caractère ; mais ce qui lui est étranger leur déplaît, à moins, chère tête,
que tu ne sois d’un autre avis
| ||
Avons-nous quelque objection, Calliclès ?
CALLICLÈS
LXIX
| ||
– Je ne sais comment il se fait que tu me parais avoir raison, Socrate
| ||
Cependant, je suis comme la plupart de tes auditeurs, je ne te crois qu’à demi
| ||
SOCRATE
C’est que l’amour du peuple implanté dans ton âme, Calliclès, combat
contre moi ; mais si nous revenons sur ces mêmes questions pour les
approfondir, peut-être te rendras-tu
| ||
Quoi qu’il en soit, rappelle-toi que nous
avons dit qu’il y a deux façons de cultiver chacune de ces deux choses, le
corps et l’âme, l’une qui s’en occupe en vue du plaisir, et l’autre qui s’en
occupe en vue du bien et qui, sans chercher à plaire, y applique tout son
effort
| ||
N’est-ce pas la distinction que nous avons faite alors ?
CALLICLÈS
Si fait
| ||
SOCRATE
Et nous avons dit que l’une, celle qui tend au plaisir, n’était autre chose
qu’une vile flatterie, n’est-ce pas ?
CALLICLÈS
Soit, puisque tu le veux
| ||
SOCRATE
L’autre, au contraire, tend à rendre aussi parfait que possible l’objet de ses
soins, que ce soit le corps ou l’âme
| ||
CALLICLÈS
Oui
| ||
SOCRATE
Dès lors, ne devons-nous pas, dans les soins que nous donnons à la cité et
aux citoyens, nous efforcer de rendre ces citoyens aussi parfaits que
possible ? Sans cela, comme nous l’avons reconnu précédemment, tout autre
service qu’on leur rendrait ne leur serait d’aucune utilité, si ceux qui doivent
acquérir ou de grandes richesses, ou le pouvoir, ou tout autre genre de
puissance n’avaient pas des sentiments honnêtes
| ||
Admettons-nous qu’il en est
ainsi ?
CALLICLÈS
Admettons, si cela te plaît
| ||
SOCRATE
Maintenant supposons, Calliclès, que, désireux de nous charger de quelque
entreprise publique, nous nous exhortions mutuellement à nous tourner vers
les constructions, vers les plus considérables, celles de remparts, d’arsenaux,
de temples, ne devrions-nous pas nous examiner nous-mêmes et nous
demander d’abord si nous connaissons, ou non, cet art, l’architecture, et de
qui nous l’avons appris ? Le faudrait-il, oui ou non ?
CALLICLÈS
Oui, certainement
| ||
SOCRATE
En second lieu, ne faudrait-il pas vérifier si jamais nous avons bâti quelque
édifice privé pour quelqu’un de nos amis ou pour nous-mêmes, et si cet
édifice est beau ou laid ? Et si, en faisant cet examen, nous trouvons que nous
avons eu des maîtres habiles et réputés et que nous avons construit beaucoup
de beaux édifices avec nos maîtres, et beaucoup aussi à nous seuls, après les
avoir quittés, dans ces conditions, nous pourrions raisonnablement aborder
les entreprises publiques
| ||
Si, au contraire, nous n’avions aucun maître à citer,
aucune construction à faire voir, ou plusieurs constructions sans valeur, alors
ce serait folie, n’est-ce pas, d’entreprendre des ouvrages publics et de nous y
exhorter l’un l’autre ? Avouons-nous que cela soit bien dit, ou non ?
CALLICLÈS
Oui
| ||
SOCRATE
LXX
| ||
– Il en est de même en tout
| ||
Si, par exemple, ayant dessein d’être médecins
de l’État, nous nous y exhortions l’un l’autre comme étant qualifiés pour cela,
nous nous serions, je présume, examinés au préalable réciproquement, toi et
moi : « Voyons, au nom des dieux, comment Socrate se porte-t-il lui-même ?
A-t-il déjà guéri quelqu’un, esclave ou homme libre ? » De mon côté,
j’imagine que je ferais les mêmes questions à ton sujet ; et, si nous trouvions
que nous n’avons amélioré la santé de personne, étranger ou Athénien,
homme ou femme, au nom de Zeus, Calliclès, ne serait-ce pas une véritable
dérision qu’un homme en vienne à cet excès d’extravagance, qu’avant
d’avoir fait beaucoup d’expériences quelconques dans l’exercice privé de la
médecine, d’avoir obtenu de nombreux succès et de s’être exercé
convenablement dans cet art, il veuille, comme dit le proverbe, faire son
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apprentissage de potier sur une jarre et se mette dans la tête d’être médecin
public et d’y exhorter ses pareils ? Ne te semble-t-il pas qu’il y a de la folie à
se conduire de la sorte ?
CALLICLÈS
Si
| ||
SOCRATE
Maintenant donc, ô le meilleur des hommes, que toi-même tu viens de
débuter dans la carrière politique, que tu m’y appelles et que tu me reproches
de n’y pas prendre part, n’est-ce pas le moment de nous examiner l’un l’autre
et de dire : « Voyons, Calliclès a-t-il déjà rendu meilleur quelque citoyen ?
En est-il un qui, étant auparavant méchant, injuste, dissolu, insensé, soit
devenu honnête homme grâce à Calliclès, étranger ou citoyen, esclave ou
homme libre ? » Dis-moi, si on te questionnait là-dessus, que répondrais-tu ?
Qui citerais-tu que ton commerce ait rendu meilleur ? Pourquoi hésites-tu à
répondre, s’il est vrai qu’il y ait une œuvre de toi, que tu aies faite dans la vie
privée, avant d’aborder les affaires publiques ?
CALLICLÈS
Tu veux toujours avoir le dessus, Socrate
|
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