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Il n’est pas sûr que ce soit à eux qu’il ait pris sa croyance à la migration des âmes ; mais il leur doit l’idée de l’éternité de l’âme, qui devait devenir la pierre angulaire de sa philosophie ; car elle lui fournit la solution du problème de la connaissance
Il approfondit aussi parmi eux ses connaissances en arithmétique, en astronomie et en musique
D’Italie, il se rendit en Sicile
Il vit Catane et l’Etna
À Syra- cuse, il assista aux farces populaires et acheta le livre de So- phron, auteur de farces en prose
Il fut reçu à la cour de Denys comme un étranger de distinction et il gagna à la philosophie Dion, beau-frère du tyran
Mais il ne s’accorda pas longtemps avec Denys, qui le renvoya sur un vaisseau en partance pour Égine, alors ennemie d’Athènes
Si, comme on le rapporte, il le livra au Lacédémonien Pollis, c’était le livrer à l’ennemi
Heu- reusement il y avait alors à Égine un Cyrénéen, Annikéris, qui reconnut Platon et le racheta pour vingt mines
Platon revint à Athènes, vraisemblablement en 388
Il avait quarante ans
La guerre durait encore ; mais elle allait se terminer l’année suivante par la paix d’Antalkidas
À ce moment, Euripide était mort et n’avait pas eu de successeur digne de lui
Aristophane venait de faire jouer son dernier drame, remanié, le Ploutos, et le théâtre comique ne devait retrouver son éclat qu’avec Mé- nandre
Mais si les grands poètes faisaient défaut, la prose jetait alors un vif éclat avec Lysias, qui écrivait des plaidoyers et en avait même composé un pour Socrate, et Isocrate, qui avait fon- Ŕ 6 Ŕ dé une école de rhétorique
Deux disciples de Socrate, Eschine et Antisthène, qui tous deux avaient défendu le maître, tenaient école et publiaient des écrits goûtés du public
Platon, lui aussi, se mit à enseigner ; mais au lieu de le faire en causant, comme son maître, en tous lieux et avec tout le monde, il fonda une sorte d’école à l’image des sociétés pythagoriciennes
Il acheta un petit terrain dans le voisinage du gymnase d’Académos, près de Colone, le village natal de Sophocle
De là le nom d’Académie qui fut donné à l’école de Platon
Ses disciples formaient une réunion d’amis, dont le président était choisi par les jeunes et dont les membres payaient sans doute une cotisation
Nous ne savons rien des vingt années de la vie de Platon qui s’écoulèrent entre son retour à Athènes et son rappel en Sicile
On ne rencontre même dans ses œuvres aucune allusion aux événements contemporains, à la reconstitution de l’empire ma- ritime d’Athènes, aux succès de Thèbes avec Épaminondas, à la décadence de Sparte
Denys l’Ancien étant mort en 368, Dion, qui comptait gouverner l’esprit de son successeur, Denys le Jeune, appela Platon à son aide
Il rêvait de transformer la ty- rannie en royauté constitutionnelle, où la loi et la liberté régne- raient ensemble
Son appel surprit Platon en plein travail ; mais le désir de jouer un rôle politique et d’appliquer son système l’entraîna
Il se mit en route en 366, laissant à Eudoxe la direc- tion de son école
Il gagna en passant l’amitié d’Archytas, ma- thématicien philosophe qui gouvernait Tarente
Mais quand il arriva à Syracuse, la situation avait changé
Il fut brillamment reçu par Denys, mais mal vu des partisans de la tyrannie et en particulier de Philistos, qui était rentré à Syracuse après la mort de Denys l’Ancien
En outre, Denys s’étant aperçu que Dion voulait le tenir en tutelle, le bannit de Syracuse
Tandis que Dion s’en allait vivre à Athènes, Denys retenait Platon, sous pré- texte de recevoir ses leçons, pendant tout l’hiver
Enfin quand la mer redevint navigable, au printemps de l’année 365, il l’autorisa à partir sous promesse de revenir avec Dion
Ils se séparèrent amicalement, d’autant mieux que Platon avait mé- nagé à Denys l’alliance d’Archytas de Tarente
Ŕ 7 Ŕ De retour à Athènes, Platon y trouva Dion qui menait une vie fastueuse
Il reprit son enseignement
Cependant Denys avait pris goût à la philosophie
Il avait appelé à sa cour deux disciples de Socrate, Eschine et Aristippe de Cyrène, et il dési- rait revoir Platon
Au printemps de 361, un vaisseau de guerre vint au Pirée
Il était commandé par un envoyé du tyran, por- teur de lettres d’Archytas et de Denys, où Archytas lui garantis- sait sa sûreté personnelle, et Denys lui faisait entrevoir le rappel de Dion pour l’année suivante
Platon se rendit à leurs instantes prières et partit avec son neveu Speusippe
De nouveaux dé- boires l’attendaient : il ne put convaincre Denys de la nécessité de changer de vie
Denys mit l’embargo sur les biens de Dion
Platon voulut partir ; le tyran le retint, et il fallut l’intervention d’Archytas pour qu’il pût quitter Syracuse, au printemps de 360
Il se rencontra avec Dion à Olympie
On sait comment celui-ci, apprenant que Denys lui avait pris sa femme, pour la donner à un autre, marcha contre lui en 357, s’empara de Syracuse et fut tué en 353
Platon lui survécut cinq ans
Il mourut en 347-346, au milieu d’un repas de noces, dit-on
Son neveu Speusippe lui succéda
Parmi les disciples de Platon, les plus illustres quittè- rent l’école
Aristote et Xénocrate se rendirent chez Hermias d’Atarnée, Héraclide resta d’abord à Athènes, puis alla fonder une école dans sa patrie, Héraclée
Après la mort de Speusippe, Xénocrate prit la direction de l’Académie, qui devait subsister jusqu’en 529 de notre ère, année où Justinien la fit fermer
Ŕ 8 Ŕ Notice sur le banquet Le Banquet est quelquefois désigné sous le nom de Discours sur l’amour
C’est en effet une suite de discours qui furent cen- sés tenus au banquet donné par le poète Agathon, quand il rem- porta le prix au concours de tragédie, avec son premier ouvrage (416 av
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Un ami d’Apollodore, disciple de Socrate, le prie de raconter ce qui s’était dit à ce banquet ; quelques jours auparavant un certain Glaucon lui avait déjà fait la même demande : il se trou- vait donc bien préparé à faire le récit de cet entretien
Ce n’est pas qu’il eût pris part lui-même au banquet, lequel remontait à quelque seize années plus tôt ; mais il avait été renseigné par un disciple fidèle de Socrate, Aristodème, et, en questionnant Socrate lui-même sur certains détails, il s’était convaincu de la véracité et de l’exactitude du narrateur
Or voici ce que racontait Aristodème
Socrate, se rendant à l’invitation d’Agathon, rencontre Aris- todème et l’engage à l’accompagner
Aristodème se laisse em- mener ; mais, pendant le trajet Socrate s’arrête, absorbé dans une méditation profonde, et le laisse entrer seul chez Agathon
C’est en vain qu’on l’appelle : il ne viendra que lorsqu’il aura trouvé ce qu’il cherche
Il arrive en effet au milieu du souper, et prend place à la droite d’Agathon
Le repas fini, Pausanias et Aristophane, qui ont déjà fêté la veille le triomphe d’Agathon, déclarent qu’ils veulent se ménager et boire avec modération
Profitant de ces dispositions, le médecin Eryximaque, partisan de la tempérance, propose de renvoyer la joueuse de flûte et de lier quelque conversation
« Mon ami Phèdre, dit-il, s’indigne qu’aucun poète n’ait encore fait l’éloge de l’Amour, un si grand dieu ! Si vous voulez, nous paierons à ce dieu le tribut de louanges qu’il mérite, et chacun de nous fera un discours en son Ŕ 9 Ŕ honneur
» Socrate, qui fait profession de ne savoir que l’amour, accepte la proposition en son nom et au nom de toute la compa- gnie
C’est Phèdre qui commencera
L’Amour, dit-il, est le plus ancien des dieux ; car on ne lui connaît ni père, ni mère
C’est aussi le dieu qui fait le plus de bien aux hommes ; car il leur inspire la honte du mal et l’émulation du bien
Un amant en effet n’oserait s’avilir par une mauvaise action devant celui qu’il aime, de sorte qu’un État composé d’amants et d’aimés serait le plus vertueux de tous
L’amour inspire encore le courage et le dévouement, vertus qui sont récompensées par les dieux, témoin Alceste qu’ils ont rendue à la vie, et Achille qu’ils ont placé dans le séjour des bienheureux, tandis qu’Orphée, qui n’eut pas le courage de mourir, en a été puni par les femmes de Thrace
« Je conclus, dit Phèdre, que de tous les dieux l’Amour est le plus ancien, le plus Auguste et le plus capable de rendre l’homme vertueux et heureux durant sa vie et après sa mort
» Pausanias prend ensuite la parole
Il commence par criti- quer le discours de Phèdre
Ŕ Phèdre, dit-il, a parlé comme s’il n’y avait qu’un seul Amour, mais, comme il y a deux Aphrodites, une céleste et une populaire, il y a aussi deux Amours, dont il faut distinguer les fonctions, si l’on veut les louer suivant leurs mérites
L’Amour de l’Aphrodite populaire, qui s’attache au corps sans distinction de sexe, plutôt qu’à l’âme, n’inspire que des actions basses
Mais l’Amour de l’Aphrodite céleste, qui s’attache au sexe masculin, naturellement plus fort et plus intel- ligent, forme les belles liaisons qui durent toute la vie
Ce sont les sectateurs de l’Amour populaire qui ont jeté le discrédit sur cette sorte d’amour
Ŕ 10 Ŕ L’opinion sur ce point diffère d’ailleurs suivant les pays
Dans tous les États grecs, à l’exception d’Athènes1, l’opinion est simple
En Elide, en Béotie on approuve le commerce des amants tout bonnement par pauvreté d’esprit, parce qu’on ignore l’art de gagner les cœurs par les paroles
En Asie et chez les barbares, on le proscrit, parce qu’il est dangereux pour les tyrans, comme le prouve l’exemple de Harmodios et d’Aristogiton
À Athènes, l’opinion est complexe
On applaudit à toutes les folies de l’amour, et cependant les parents veillent avec un soin jaloux sur leurs enfants, pour les empêcher de cau- ser avec ceux qui les recherchent
D’où vient cette anomalie ? C’est que l’amour n’est de soi ni beau ni laid ; il est beau, si l’on aime suivant les règles de l’honnêteté ; il est laid, si l’on aime contre ces règles
Or il est déshonnête d’accorder ses faveurs à un homme vicieux et pour de mauvais motifs ; mais il est beau de se donner à un homme vertueux, pour se perfectionner par son secours dans la vertu
Un hoquet malencontreux empêchant Aristophane de par- ler, Eryximaque prend sa place, non sans lui avoir copieusement indiqué les remèdes propres à l’en débarrasser
Eryximaque, qui est versé dans la médecine et dans les sciences naturelles, es- saye d’établir que l’Amour étend son empire non seulement sur l’âme de l’homme, mais sur toute la nature animée et inanimée
Ici la définition de l’amour s’élargit : il devient l’union et l’harmonie des contraires, et il comporte la même dualité que l’amour humain
La médecine en fournit un premier exemple
Le corps contient des parties saines et des parties malades qui ont des désirs et des amours différents : il est beau de céder à ce qui est sain et bon, honteux de complaire à ce qui est malade et dépravé
La médecine est la science de l’amour dans les corps, relativement à la réplétion et à l’évacuation, et l’habile médecin 1 Le texte ajoute : « et de Lacedèmone » ; mais l’authenticité de cette addition est contestée
Ŕ 11 Ŕ est celui qui sait établir l’harmonie entre les contraires, comme le froid et le chaud, le sec et l’humide, l’amer et le doux
La gymnastique et l’agriculture sont également soumises à l’amour
La musique est la science de l’amour relativement à l’harmonie et au rythme ; car c’est l’amour qui, d’éléments op- posés, comme le grave et l’aigu, les longues et les brèves, pro- duit l’harmonie et le rythme
Dans la constitution de l’harmonie et du rythme, il n’y a pas de place pour les deux amours ; mais on les retrouve dans l’application, c’est-à-dire dans la composi- tion et dans l’éducation : ici l’artiste doit cultiver l’amour élevé et répudier l’amour vulgaire
En astronomie, les effets de l’amour réglé se révèlent dans l’heureuse harmonie des éléments climatériques, qui produit la fertilité, et ceux de l’amour déréglé dans les pestes, les maladies des plantes, les gelées
L’astronomie est la science de l’amour en ce qui regarde les mouvements des astres et les saisons de l’année
Enfin la religion et la divination nous apprennent à choisir le meilleur amour vis-à-vis des vivants, des morts et des dieux ; l’impiété est l’effet de l’amour désordonné