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Témoin des succès d’Euripide et d’Agathon, il composa lui aussi des tragédies, des poèmes lyriques et des dithyrambes
Vers l’âge de vingt ans, il rencontra Socrate
Il brûla, dit-on, ses tragédies, et s’attacha dès lors à la philosophie
Socrate s’était dévoué à enseigner la vertu à ses concitoyens : c’est par la réforme des individus qu’il voulait procurer le bonheur de la cité
Ce fut aussi le but que s’assigna Platon, car, à l’exemple de son cousin Critias et de son oncle Charmide, il songeait à se lancer dans la carrière politique ; mais les excès des Trente lui firent horreur
Quand Thrasybule eut rétabli la constitution démocratique, il se sentit de nouveau, quoique plus mollement, pressé de se mêler des affaires de l’État
La condamnation de Socrate l’en dégoûta
Il attendit en vain une amélioration des mœurs politiques ; enfin, voyant que le mal était incurable, il renonça à prendre part aux affaires ; mais le perfectionnement de la cité n’en demeura pas moins sa grande préoccupation, et il travailla plus que jamais à préparer par ses ouvrages un état de choses où les philosophes, devenus les précepteurs et les gouverneurs de l’humanité, mettraient fin aux maux dont elle est accablée
Il était malade lorsque Socrate but la ciguë, et il ne put assister à ses derniers moments
Après la mort de son maître, il se retira à Mégare, près d’Euclide et de Terpsion, comme lui disciples de Socrate
Il dut ensuite revenir à Athènes et servir, comme ses frères, dans la cavalerie
Il prit, dit-on, part aux campagnes de 395 et de 394, dans la guerre dite de Corinthe
Il n’a jamais parlé de ses services militaires, mais il a toujours préconisé les exercices militaires pour développer la vigueur
Le désir de s’instruire le poussa à voyager
Vers 390, il se rendit en Égypte, emmenant une cargaison d’huile pour payer son voyage
Il y vit des arts et des coutumes qui n’avaient pas varié depuis des milliers d’années
C’est peut-être au spectacle de cette civilisation fidèle aux antiques traditions qu’il en vint à penser que les hommes peuvent être heureux en demeurant attachés à une forme immuable de vie, que la musique et la poésie n’ont pas besoin de créations nouvelles, qu’il suffit de trouver la meilleure constitution et qu’on peut forcer les peuples à s’y tenir
D’Égypte, il se rendit à Cyrène, où il se mit à l’école du mathématicien Théodore, dont il devait faire un des interlocuteurs du Théétète
De Cyrène, il passa en Italie, où il se lia d’amitié avec les pythagoriciens Philolaos, Archytas et Timée
Il n’est pas sûr que ce soit à eux qu’il ait pris sa croyance à la migration des âmes ; mais il leur doit l’idée de l’éternité de l’âme, qui devait devenir la pierre angulaire de sa philosophie ; car elle lui fournit la solution du problème de la connaissance
Il approfondit aussi parmi eux ses connaissances en arithmétique, en astronomie et en musique
D’Italie, il se rendit en Sicile
Il vit Catane et l’Etna
À Syracuse, il assista aux farces populaires et acheta le livre de Sophron, auteur de farces en prose
Il fut reçu à la cour de Denys comme un étranger de distinction et il gagna à la philosophie Dion, beau-frère du tyran
Mais il ne s’accorda pas longtemps avec Denys, qui le renvoya sur un vaisseau en partance pour Égine, alors ennemie d’Athènes
Si, comme on le rapporte, il le livra au Lacédémonien Pollis, c’était le livrer à l’ennemi
Heureusement il y avait alors à Égine un Cyrénéen, Annikéris, qui reconnut Platon et le racheta pour vingt mines
Platon revint à Athènes, vraisemblablement en 388
Il avait quarante ans
La guerre durait encore ; mais elle allait se terminer l’année suivante par la paix d’Antalkidas
À ce moment, Euripide était mort et n’avait pas eu de successeur digne de lui
Aristophane venait de faire jouer son dernier drame, remanié, le Ploutos, et le théâtre comique ne devait retrouver son éclat qu’avec Ménandre
Mais si les grands poètes faisaient défaut, la prose jetait alors un vif éclat avec Lysias, qui écrivait des plaidoyers et en avait même composé un pour Socrate, et Isocrate, qui avait fondé une école de rhétorique
Deux disciples de Socrate, Eschine et Antisthène, qui tous deux avaient défendu le maître, tenaient école et publiaient des écrits goûtés du public
Platon, lui aussi, se mit à enseigner ; mais au lieu de le faire en causant, comme son maître, en tous lieux et avec tout le monde, il fonda une sorte d’école à l’image des sociétés pythagoriciennes
Il acheta un petit terrain dans le voisinage du gymnase d’Académos, près de Colone, le village natal de Sophocle
De là le nom d’Académie qui fut donné à l’école de Platon
Ses disciples formaient une réunion d’amis, dont le président était choisi par les jeunes et dont les membres payaient sans doute une cotisation
Nous ne savons rien des vingt années de la vie de Platon qui s’écoulèrent entre son retour à Athènes et son rappel en Sicile
On ne rencontre même dans ses œuvres aucune allusion aux événements contemporains, à la reconstitution de l’empire maritime d’Athènes, aux succès de Thèbes avec Épaminondas, à la décadence de Sparte
Denys l’Ancien étant mort en 368, Dion, qui comptait gouverner l’esprit de son successeur, Denys le Jeune, appela Platon à son aide
Il rêvait de transformer la tyrannie en royauté constitutionnelle, où la loi et la liberté régneraient ensemble
Son appel surprit Platon en plein travail ; mais le désir de jouer un rôle politique et d’appliquer son système l’entraîna
Il se mit en route en 366, laissant à Eudoxe la direction de son école
Il gagna en passant l’amitié d’Archytas, mathématicien philosophe qui gouvernait Tarente
Mais quand il arriva à Syracuse, la situation avait changé
Il fut brillamment reçu par Denys, mais mal vu des partisans de la tyrannie et en particulier de Philistos, qui était rentré à Syracuse après la mort de Denys l’Ancien
En outre, Denys s’étant aperçu que Dion voulait le tenir en tutelle, le bannit de Syracuse
Tandis que Dion s’en allait vivre à Athènes, Denys retenait Platon, sous prétexte de recevoir ses leçons, pendant tout l’hiver
Enfin quand la mer redevint navigable, au printemps de l’année 365, il l’autorisa à partir sous promesse de revenir avec Dion
Ils se séparèrent amicalement, d’autant mieux que Platon avait ménagé à Denys l’alliance d’Archytas de Tarente
De retour à Athènes, Platon y trouva Dion qui menait une vie fastueuse
Il reprit son enseignement
Cependant Denys avait pris goût à la philosophie
Il avait appelé à sa cour deux disciples de Socrate, Eschine et Aristippe de Cyrène, et il désirait revoir Platon
Au printemps de 361, un vaisseau de guerre vint au Pirée
Il était commandé par un envoyé du tyran, porteur de lettres d’Archytas et de Denys, où Archytas lui garantissait sa sûreté personnelle, et Denys lui faisait entrevoir le rappel de Dion pour l’année suivante
Platon se rendit à leurs instantes prières et partit avec son neveu Speusippe
De nouveaux déboires l’attendaient : il ne put convaincre Denys de la nécessité de changer de vie
Denys mit l’embargo sur les biens de Dion
Platon voulut partir ; le tyran le retint, et il fallut l’intervention d’Archytas pour qu’il pût quitter Syracuse, au printemps de 360
Il se rencontra avec Dion à Olympie
On sait comment celuici, apprenant que Denys lui avait pris sa femme, pour la donner à un autre, marcha contre lui en 357, s’empara de Syracuse et fut tué en 353
Platon lui survécut cinq ans
Il mourut en 347-346, au milieu d’un repas de noces, dit-on
Son neveu Speusippe lui succéda
Parmi les disciples de Platon, les plus illustres quittèrent l’école
Aristote et Xénocrate se rendirent chez Hermias d’Atarnée, Héraclide resta d’abord à Athènes, puis alla fonder une école dans sa patrie, Héraclée
Après la mort de Speusippe, Xénocrate prit la direction de l’Académie, qui devait subsister jusqu’en 529 de notre ère, année où Justinien la fit fermer
Notice sur le Criton Xénophon rapporte dans son Apologie de Socrate (ch
23) que Socrate avait refusé d’écouter ses amis qui voulaient le faire évader de sa prison et que même il leur avait demandé ironiquement s’ils connaissaient en dehors d’Athènes quelque endroit inaccessible à la mort
Ce refus de s’évader avait dû frapper le public et susciter des commentaires
Quelle en pouvait être la raison ? Socrate était-il las de vivre et craignait-il les infirmités de la vieillesse, comme l’a soutenu Xénophon d’après Hermogène ? Ou est-ce l’orgueil qui lui avait fait prendre cette attitude extraordinaire ? Ou voulait-il donner une dernière leçon aux hommes en leur montrant à mépriser la mort ? Platon, qui avait écrit l’Apologie pour faire connaître le vrai Socrate, ne pouvait laisser défigurer la noble image de son maître vénéré
Il entreprit, dans le Criton, d’expliquer au public les vrais motifs du refus de Socrate
S’il n’avait pas voulu quitter sa prison, c’était pour rester fidèle aux principes qu’il avait professés durant toute sa vie
Criton n’avait certainement pas été le seul(1) à solliciter Socrate de s’enfuir, et si Platon a exclu les autres, c’est sans doute dans un but de simplification, et, s’il a fait de Criton le porte-parole de tous, c’est que Criton était le mieux désigné pour fléchir l’obstination de Socrate
Il était du même dème et du même âge que lui et lui était très attaché
Il était riche et avait été l’un de ceux qui s’étaient offerts à payer les trente mines auxquelles Socrate s’était finalement taxé
Il avait même offert sa caution, pour que Socrate condamné à mort fût laissé en liberté jusqu’au jour de l’exécution (Phédon, 115 d), caution qui avait été refusée
« Il était si attentif à le servir, nous dit Diogène Laërce (livre II, Criton), qu’il ne le laissa jamais manquer de rien
Ses fils furent aussi auditeurs de Socrate : Critobule, Hermogène, Épigène, Ctèsippe
» Il aurait même, si l’on en croit le même Diogène, écrit dix-sept dialogues rassemblés en un seul livre
Pendant tout le mois qui s’écoula entre la condamnation de Socrate et le retour du vaisseau sacré envoyé à Dèlos, ses amis venaient causer avec lui dans sa prison, mais assez tard ; car le geôlier n’ouvrait pas de bonne heure
Le jour où se place notre dialogue, Criton a devancé l’aurore et s’est fait ouvrir par le geôlier, qu’il a gagné par quelque gratification
Socrate était encore endormi
À son réveil, il s’étonne de voir Criton près de son lit : « Qu’est-ce qui t’amène de si bonne heure ? » demande-t-il
Criton répond que s’il est venu si tôt, c’est pour lui apporter une fâcheuse nouvelle, l’approche du vaisseau au retour duquel Socrate doit mourir, et pour se concerter avec lui, afin de le faire évader la nuit suivante
« Que pensera-t-on de nous, tes amis, dit-il, si tu meurs en prison ? On dira que nous avons préféré te laisser mourir plutôt que de sacrifier notre argent pour te tirer d’ici
D’ailleurs la somme qu’on demande n’est pas considérable et plusieurs autres de tes amis sont prêts à en faire la dépense
Ne crains pas de t’exiler : partout où tu iras, tu seras bien accueilli
Songe aussi à tes enfants, que tu n’as pas le droit d’abandonner
Enfin les moments sont précieux : décide-toi
– Examinons si je le dois, répond Socrate
Tu sais que je n’obéis jamais qu’à la raison
Or que dit-elle ? Qu’entre les opinions des hommes, il ne faut avoir égard qu’à celles des hommes sensés, et non à celles de la foule
Cela est surtout nécessaire quand il s’agit des choses les plus importantes, du juste et de l’injuste, du bien et du mal
Or la raison démontre qu’il ne faut jamais être injuste ni faire le mal
C’est de ce principe que notre discussion doit partir, pour décider si je peux sortir d’ici sans l’assentiment des Athéniens
Supposons, Criton, que les lois se présentent devant nous et me disent : « C’est nous qui avons présidé à ta naissance et à ton éducation