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Les sanctuaires qui subsistent encore aujourd’hui près des sources qui existaient autrefois portent témoignage de ce que j’avance à présent
Telle était la condition naturelle du pays
Il avait été mis en culture, comme on pouvait s’y attendre, par de vrais laboureurs, uniquement occupés à leur métier, amis du beau et doués d’un heureux naturel, disposant d’une terre excellente et d’une eau très abondante, et favorisés dans leur culture du sol par des saisons les plus heureusement tempérées
Quant à la ville, voici comment elle était ordonnée en ce temps-là
D’abord l’acropole n’était pas alors dans l’état où elle est aujourd’hui
En une seule nuit, des pluies extraordinaires, diluant le sol qui la couvrait, la laissèrent dénudée
Des tremblements de terre s’étaient produits en même temps que cette chute d’eau prodigieuse, qui fut la troisième avant la destruction qui eut lieu au temps de Deucalion
Mais auparavant, à une autre époque, telle était la grandeur de l’acropole qu’elle s’étendait jusqu’à l’Éridan et à l’Ilisos et comprenait le Pnyx, et qu’elle avait pour borne le mont Lycabette du côté qui fait 7 face au Pnyx
Elle était entièrement revêtue de terre et, sauf sur quelques points, elle formait une plaine à son sommet
En dehors de l’acropole, au pied même de ses pentes, étaient les habitations des artisans et des laboureurs qui cultivaient les champs voisins
Sur le sommet, la classe des guerriers demeurait seule autour du temple d’Athéna et d’Hèphaïstos, après avoir entouré le plateau d’une seule enceinte, comme on fait le jardin d’une seule maison
Ils habitaient la partie nord de ce plateau, où ils avaient aménagé des logements communs et des réfectoires d’hiver, et ils avaient tout ce qui convenait à leur genre de vie en commun, soit en fait d’habitations, soit en fait de 8 temples, à l’exception de l’or et de l’argent ; car ils ne faisaient aucun usage de ces métaux en aucun cas
Attentifs à garder le juste milieu entre le faste et la pauvreté servile, ils se faisaient bâtir des maisons décentes, où ils vieillissaient, eux et les enfants de leurs enfants, et qu’ils transmettaient toujours les mêmes à d’autres pareils à eux
Quant à la partie sud, lorsqu’ils abandonnaient en été, comme il est naturel, leurs jardins, leurs gymnases, leurs réfectoires, elle leur en tenait lieu
Sur l’emplacement de l’acropole actuelle, il y avait une source qui fut engorgée par les tremblements de terre et dont il reste les minces filets d’eau qui ruissellent du pourtour ; mais elle fournissait alors à toute la ville une eau abondante, également saine en hiver et en été
Tel était le genre de vie de ces hommes qui étaient à la fois les gardiens de leurs concitoyens et les chefs avoués des autres Grecs
Ils veillaient soigneusement à ce que leur nombre, tant d’hommes que de femmes, déjà en état ou encore en état de porter les armes, fût, autant que possible, constamment le même, c’est-à-dire environ vingt mille
Voilà donc quels étaient ces hommes et voilà comment ils administraient invariablement, selon les règles de la justice, leur pays et la Grèce
Ils étaient renommés dans toute l’Europe et toute l’Asie pour la beauté de leurs corps et les vertus de toute sorte qui ornaient leurs âmes, et ils étaient les plus illustres de tous les hommes d’alors
Quant à la condition et à la primitive histoire de leurs adversaires, si je n’ai pas perdu le souvenir de ce que j’ai entendu raconter étant encore enfant, c’est ce que je vais maintenant vous exposer, pour en faire partager la connaissance aux amis que vous êtes
Mais, avant d’entrer en matière, j’ai encore un détail à vous expliquer, pour que vous ne soyez pas surpris d’entendre des noms grecs appliqués à des barbares
Vous allez en savoir la cause
Comme Solon songeait à utiliser ce récit pour ses poèmes, il s’enquit du sens des noms, et il trouva que ces Égyptiens, qui les avaient écrits les premiers, les avaient traduits dans leur propre langue
Lui-même, reprenant à son tour le sens de chaque nom, le transporta et transcrivit dans notre langue
Ces manuscrits de Solon étaient chez mon grand-père et sont encore chez moi à l’heure qu’il est, et je les ai appris par cœur étant enfant
Si donc vous entendez des noms pareils à ceux de chez nous, que cela ne vous cause aucun étonnement : vous en savez la cause
Et maintenant voici à peu près de quelle manière commença ce long récit
Nous avons déjà dit, au sujet du tirage au sort que firent les dieux, qu’ils partagèrent toute la terre en lots plus ou moins grands suivant les pays et qu’ils établirent en leur honneur des temples et des sacrifices
C’est ainsi que Poséidon, ayant eu en partage l’île Atlantide, installa des enfants qu’il avait eus d’une femme mortelle dans un endroit de cette île que je vais décrire
Du côté de la mer, s’étendait, par le milieu de l’île entière, une plaine qui passe pour avoir été la plus belle de toutes les plaines et fertile par excellence
Vers le centre de cette plaine, à une distance d’environ cinquante stades, on voyait une montagne qui était partout de médiocre altitude
Sur cette montagne habitait un de ces hommes qui, à l’origine, étaient, en ce pays, nés de la terre
Il s’appelait Événor et vivait avec une femme du nom de Leucippe
Ils engendrèrent une fille unique, Clito, qui venait d’atteindre l’âge nubile, quand son père et sa mère moururent
Poséidon, s’en étant épris, s’unit à elle et fortifia la colline où elle demeurait, en en découpant le pourtour par des enceintes faites alternativement de mer et de terre, les plus grandes enveloppant les plus petites
Il en traça deux de terre et trois de mer et les arrondit en partant du milieu de l’île, dont elles étaient partout à égale distance, de manière à rendre le passage infranchissable aux hommes ; car on ne connaissait encore en ce temps-là ni vaisseaux ni navigation
Lui- même embellit l’île centrale, chose aisée pour un dieu
Il fit jaillir du sol deux sources d’eau, l’une chaude et l’autre froide, et fit produire à la terre des aliments variés et abondants
Il engendra cinq couples de jumeaux mâles, les éleva, et, ayant partagé l’île entière de l’Atlantide en dix portions, il attribua au premier né du couple le plus vieux la demeure de sa mère et le lot de terre alentour, qui était le plus vaste et le meilleur ; il l’établit roi sur tous ses frères et, de ceux-ci, fit des souverains, en donnant à chacun d’eux un grand nombre d’hommes à gouverner et un vaste territoire
Il leur donna des noms à tous
Le plus vieux, le roi, reçut le nom qui servit à désigner l’île entière et la mer qu’on appelle Atlantique, parce que le premier roi du pays à cette époque portait le nom d’Atlas
Le jumeau né après lui, à qui était échue l’extrémité de l’île du côté des colonnes d’Héraclès, jusqu’à la région qu’on appelle aujourd’hui Gadirique en ce pays, se nommait en grec 9 Eumèlos et en dialecte indigène Gadire , mot d’où la région a sans doute tiré son nom
Les enfants du deuxième couple furent appelés, l’un Amphérès, l’autre Évaimon
Du troisième couple, l’aîné reçut le nom de Mnèseus, le cadet celui d’Autochthon
Du quatrième, le premier né fut nommé Élasippos, le deuxième Mèstor ; à l’aîné du cinquième groupe on donna le nom d’Azaès, au cadet celui de Diaprépès
Tous ces fils de Poséidon et leurs descendants habitèrent ce pays pendant de longues générations
Ils régnaient sur beaucoup d’autres îles de l’Océan et, comme je l’ai déjà dit, ils étendaient en outre leur empire, de ce côté-ci, à l’intérieur du détroit, jusqu’à l’Égypte et à la Tyrrhénie
La race d’Atlas devint nombreuse et garda les honneurs du pouvoir
Le plus âgé était roi, et, comme il transmettait toujours le sceptre au plus âgé de ses fils, ils conservèrent la royauté pendant de nombreuses générations
Ils avaient acquis des richesses immenses, telles qu’on n’en vit jamais dans aucune dynastie royale et qu’on n’en verra pas facilement dans l’avenir
Ils disposaient de toutes les ressources de leur cité et de toutes celles qu’il fallait tirer de la terre étrangère
Beaucoup leur venaient du dehors, grâce à leur empire, mais c’est l’île elle-même qui leur fournissait la plupart des choses à l’usage de la vie, en premier lieu tous les métaux, solides ou fusibles, qu’on extrait des mines, et en particulier une espèce dont nous ne possédons plus que le nom, mais qui était alors plus qu’un nom et qu’on extrayait de la terre 10 en maint endroit de l’île, l’orichalque , le plus précieux, après l’or, des métaux alors connus
Puis tout ce que la forêt fournit de matériaux pour les travaux des charpentiers, l’île le produisait aussi en abondance
Elle nourrissait aussi abondamment les animaux domestiques et sauvages
On y trouvait même une race d’éléphants très nombreuse ; car elle offrait une plantureuse pâture non seulement à tous les autres animaux qui paissent au bord des marais, des lacs et des rivières, ou dans les forêts, ou dans les plaines, mais encore également à cet animal, qui par nature est le plus gros et le plus vorace
En outre, tous les parfums que la terre nourrit à présent, en quelque endroit que ce soit, qu’ils viennent de racines ou d’herbes ou de bois, ou de sucs distillés par les fleurs ou les fruits, elle les produisait et les nourrissait parfaitement, et aussi les fruits cultivés et les secs, dont nous usons pour notre nourriture, et tous ceux dont nous nous servons pour compléter nos repas, et que nous désignons par le terme général de légumes, et ces fruits ligneux qui nous fournissent des boissons, des aliments et des parfums, et ce fruit à écailles et de conservation difficile, fait pour notre amusement et notre plaisir, et tous ceux que nous servons après le repas pour le soulagement et la satisfaction de ceux qui souffrent d’une pesanteur d’estomac, tous ces fruits, cette île sacrée qui voyait alors le soleil, les produisait 11 magnifiques, admirables, en quantités infinies
Avec toutes ces richesses qu’ils tiraient de la terre, les habitants construisirent les temples, les palais des rois, les ports, les chantiers maritimes, et ils embellirent tout le reste du pays dans l’ordre que je vais dire
Ils commencèrent par jeter des ponts sur les fossés d’eau de mer qui entouraient l’antique métropole, pour ménager un passage vers le dehors et vers le palais royal
Ce palais, ils l’avaient élevé dès l’origine à la place habitée par le dieu et par leurs ancêtres
Chaque roi, en le recevant de son prédécesseur, ajoutait à ses embellissements et mettait tous ses soins à le surpasser, si bien qu’ils firent de leur demeure un objet d’admiration par la grandeur et la beauté de leurs travaux
Ils creusèrent depuis la mer jusqu’à l’enceinte extérieure un canal de trois plèthres de large, de cent pieds de profondeur et de cinquante stades de longueur, et ils ouvrirent aux vaisseaux venant de la mer une entrée dans ce canal, comme dans un port, en y ménageant une embouchure suffisante pour que les plus grands vaisseaux y pussent pénétrer
En outre, à travers les enceintes de terre qui séparaient celles d’eau de mer, vis-à-vis des ponts, ils ouvrirent des tranchées assez larges pour permettre à une trière de passer d’une enceinte à l’autre, et par-dessus ces tranchées ils mirent des toits pour qu’on pût naviguer dessous ; car les parapets des enceintes de terre étaient assez élevés au-dessus de la mer
Le plus grand des fossés circulaires, celui qui communiquait avec la mer, avait trois stades de largeur, et l’enceinte de terre qui lui faisait suite en avait autant
Des deux enceintes suivantes, celle d’eau avait une largeur de deux stades et celle de terre était encore égale à celle d’eau qui la précédait ; celle qui entourait l’île centrale n’avait qu’un stade
Quant à l’île où se trouvait le palais des rois, elle avait un diamètre de cinq stades
Ils revêtirent d’un mur de pierre le pourtour de cette île, les enceintes et les deux côtés du pont, qui avait une largeur d’un plèthre
Ils mirent des tours et des portes sur les ponts et à tous les endroits où passait la mer
Ils tirèrent leurs pierres du pourtour de l’île centrale et de dessous les enceintes, à l’extérieur et à l’intérieur ; il y en avait des blanches, des noires et des rouges
Et tout en extrayant les pierres, ils construisirent des bassins doubles creusés dans l’intérieur du sol, et couverts d’un toit par le roc même
Parmi ces constructions les unes étaient d’une seule couleur ; dans les autres, ils entremêlèrent les pierres de manière à faire un tissu varié de couleurs pour le plaisir des yeux, et leur donnèrent ainsi un charme naturel
Ils revêtirent d’airain, en guise d’enduit, tout le pourtour du mur qui entourait l’enceinte la plus extérieure ; d’étain fondu celui de l’enceinte intérieure, et celle qui entourait l’acropole elle-même d’orichalque aux reflets de feu
Le palais royal, à l’intérieur de l’acropole, avait été agencé comme je vais dire
Au centre même de l’acropole il y avait un temple consacré à Clito et à Poséidon
L’accès en était interdit et il était entouré d’une clôture d’or
C’est là qu’à l’origine ils avaient engendré et mis au jour la race des dix princes
C’est là aussi qu’on venait chaque année des dix provinces qu’ils s’étaient partagées offrir à chacun d’eux les sacrifices de saison
Le temple de Poséidon lui-même était long d’un stade, large de trois plèthres et d’une hauteur proportionnée à ces dimensions ; mais il avait dans son aspect quelque chose de barbare
Le temple tout entier, à l’extérieur, était revêtu d’argent, hormis les acrotères, qui l’étaient d’or ; à l’intérieur, la voûte était tout entière d’ivoire émaillé d’or, d’argent et d’orichalque ; tout le reste, murs, colonnes et pavés, était garni d’orichalque
On y avait dressé des statues d’or, en particulier celle du dieu, debout sur un char, conduisant six chevaux ailés, et si grand que sa tête touchait la voûte, puis, en cercle autour de 12 lui, cent Néréides sur des dauphins ; car on croyait alors qu’elles étaient au nombre de cent ; mais il y avait aussi beaucoup d’autres statues consacrées par des particuliers
Autour du temple, à l’extérieur, se dressaient les statues d’or de toutes les princesses et de tous les princes qui descendaient des dix rois et beaucoup d’autres grandes statues dédiées par les rois et les particuliers, soit de la ville même, soit des pays du dehors soumis à leur autorité
Il y avait aussi un autel dont la grandeur et le travail étaient en rapport avec tout cet appareil, et tout le palais de même était proportionné à la grandeur de l’empire, comme aussi aux ornements du temple
Les deux sources, l’une d’eau froide et l’autre d’eau chaude, avaient un débit considérable et elles étaient, chacune, merveilleusement adaptées aux besoins des habitants par l’agrément et la vertu de leurs eaux
Ils les avaient entourées de bâtiments et de plantations d’arbres appropriées aux eaux
Ils avaient construit tout autour des bassins, les uns à ciel ouvert, les autres couverts, destinés aux bains chauds en hiver
Les rois avaient les leurs à part, et les particuliers aussi ; il y en avait d’autres pour les femmes et d’autres pour les chevaux et les autres bêtes de somme, chacun d’eux étant disposé suivant sa destination
Ils conduisaient l’eau qui s’en écoulait dans le bois sacré de Poséidon, où il y avait des arbres de toutes essences, d’une grandeur et d’une beauté divines, grâce à la qualité du sol ; puis ils la faisaient écouler dans les enceintes extérieures par des aqueducs qui passaient sur les ponts
Là, on avait aménagé de nombreux temples dédiés à de nombreuses divinités, beaucoup de jardins et beaucoup de gymnases, les uns pour les hommes, les autres pour les chevaux, ces derniers étant construits à part dans chacune des deux îles formées par les enceintes circulaires
Entre autres, au milieu de la plus grande île, on avait réservé la place d’un hippodrome d’un stade de large, qui s’étendait en longueur sur toute l’enceinte, pour le consacrer aux courses de chevaux
Autour de l’hippodrome, il y avait, de chaque côté, des casernes pour la plus grande partie de la garde
Ceux des gardes qui inspiraient le plus de confiance tenaient garnison dans la plus petite des deux enceintes, qui était aussi la plus près de l’acropole, et à ceux qui se distinguaient entre tous par leur fidélité on avait assigné des quartiers à l’intérieur de l’acropole autour des rois mêmes
Les arsenaux étaient pleins de trières et de tous les agrès nécessaires aux trières, le tout parfaitement apprêté
Et voilà comment tout était disposé autour du palais des rois
Quand on avait traversé les trois ports extérieurs, on trouvait un mur circulaire commençant à la mer et partout distant de cinquante stades de la plus grande enceinte et de son port
Ce mur venait fermer au même point l’entrée du canal du côté de la mer
Il était tout entier couvert de maisons nombreuses et serrées les unes contre les autres, et le canal et le plus grand port étaient remplis de vaisseaux et de marchands venus de tous les pays du monde et de leur foule s’élevaient jour et nuit des cris, du tumulte et des bruits de toute espèce
Je viens de vous donner un rapport assez fidèle de ce que l’on m’a dit jadis de la ville et du vieux palais
À présent il me faut essayer de rappeler quel était le caractère du pays et la forme de son organisation
Tout d’abord, on m’a dit que tout le pays était très élevé et à pic sur la mer, mais que tout autour de la ville s’étendait une plaine qui l’entourait et qui était elle-même encerclée de montagnes descendant jusqu’à la mer ; que sa surface était unie et régulière, qu’elle était oblongue en son ensemble, qu’elle mesurait sur un côté trois mille stades et à son centre, en montant de la mer, deux mille
Cette région était, dans toute la longueur de l’île, exposée au midi et à l’abri des vents du nord
On vantait alors les montagnes qui l’entouraient, comme dépassant en nombre, en grandeur et en beauté toutes celles qui existent aujourd’hui