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| output
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|---|---|---|
J’ajoute que, si nous le trouvons maintenant, tu
peux être tranquille, je ne t’importunerai pas en te demandant ce que
c’est que tu as trouvé seul
| ||
Mais examine encore ce que je vais dire ;
peut-être penseras-tu que c’est le beau
| ||
Je dis donc — mais examine
bien et prête-moi toute ton attention, de peur que je ne dise une sottise
— que nous devons tenir pour beau ce qui est utile
| ||
Et voici les
réflexions qui m’ont conduit à cette définition
| ||
Nous appelons beaux
yeux, non pas ceux qui nous semblent faits de telle sorte qu’ils sont
incapables de voir, mais ceux qui en sont capables et qui nous sont
utiles pour cette fin
| ||
HIPPIAS
Oui
| ||
SOCRATE
Ne disons-nous pas de même du corps entier qu’il est beau, soit pour
la course, soit pour la lutte, et pareillement de tous les animaux, par
exemple d’un cheval, d’un coq, d’une caille, et de tous les ustensiles, de
tous les véhicules tant de terre que de mer, comme les vaisseaux de
charge et les trières, et même de tous les instruments, soit de musique,
soit des autres arts, et encore, si tu le veux, des occupations et des
lois ? Nous qualifions à peu près tous ces objets de beaux en vertu du
même principe : nous considérons chacun d’eux dans sa nature, dans
sa fabrication, dans son état, et celui qui est utile, nous l’appelons beau
relativement à son utilité, au but pour lequel il est utile, au temps
pendant lequel il est utile, et ce qui est inutile sous tous ces rapports,
nous l’appelons laid
| ||
N’es-tu pas, toi aussi, de cet avis, Hippias ?
HIPPIAS
Si
| ||
SOCRATE
XX
| ||
— Dès lors n’avons-nous pas le droit d’affirmer que l’utile est le
beau par excellence ?
HIPPIAS
Nous l’avons certainement, Socrate
| ||
SOCRATE
Ce qui a la puissance de faire une chose n’est-il pas utile pour ce qu’il
est capable de faire, et ce qui en est incapable, inutile ?
HIPPIAS
Certainement
| ||
SOCRATE
Alors la puissance est une belle chose et l’impuissance est laide ?
HIPPIAS
Très certainement
| ||
Entre autres choses qui témoignent, Socrate, en
faveur de notre opinion, nous avons la politique ; car il n’y a rien de
plus beau que d’exercer la puissance politique dans son pays et rien de
plus laid que d’y être sans autorité
| ||
SOCRATE
C’est bien dit
| ||
Alors, au nom des dieux, Hippias, la science, par cette
raison, est aussi la plus belle chose du monde, et l’ignorance la plus
laide ?
HIPPIAS
Mais sans doute, Socrate
| ||
SOCRATE
Ne va pas si vite, cher ami ; car cette nouvelle assertion me cause des
appréhensions
| ||
HIPPIAS
Qu’est-ce que tu appréhendes encore, Socrate ? Jusqu’ici ton
raisonnement a marché merveilleusement
| ||
SOCRATE
Je le voudrais ; mais examine ceci avec moi : peut-on faire une chose
qu’on ignore et dont on est absolument incapable ?
HIPPIAS
Pas du tout, car comment faire ce dont on n’est pas capable ?
SOCRATE
Alors ceux qui se trompent et se livrent à des actes et à des oeuvres
mauvaises involontairement, s’ils n’avaient pas été capables de le faire,
ne l’auraient certainement jamais fait ?
HIPPIAS
Evidemment
| ||
SOCRATE
Cependant c’est par la puissance que sont capables ceux qui le sont,
car ce n’est pas, n’est-ce pas, par l’impuissance ?
HIPPIAS
Non, certes
| ||
SOCRATE
On a donc toujours la puissance de faire ce qu’on fait ?
HIPPIAS
Oui
| ||
SOCRATE
Or tous les hommes, dès leur enfance, font beaucoup plus souvent le
mal que le bien et commettent des fautes involontairement
| ||
HIPPIAS
C’est vrai
| ||
SOCRATE
Mais alors, cette puissance et ces choses utiles, si elles servent à faire le
mal, dirons-nous qu’elles sont belles ou qu’il s’en faut de beaucoup ?
HIPPIAS
Il s’en faut de beaucoup, Socrate, à mon avis
| ||
SOCRATE
A ce compte, Hippias, nous ne pouvons admettre, ce semble, que le
puissant et l’utile soient le beau
| ||
HIPPIAS
Pourquoi non, Socrate, s’ils sont puissants et utiles pour le bien ?
SOCRATE
XXI
| ||
— Adieu donc l’identité du beau avec le puissant et l’utile
considérés absolument
| ||
Mais alors, Hippias, ce que nous avions dans
l’esprit et que nous voulions dire, c’était que l’utile et le puissant
appliqués à une bonne fin sont le beau
| ||
HIPPIAS
Je le crois
| ||
SOCRATE
Mais cela, c’est l’avantageux, n’est-ce pas ?
HIPPIAS
Assurément
| ||
SOCRATE
Ainsi donc et les beaux corps et les beaux usages, et la science et toutes
les choses que nous avons citées tout à l’heure sont belles, parce
qu’elles sont avantageuses
| ||
HIPPIAS
Evidemment
| ||
SOCRATE
C’est donc l’avantageux, Hippias, que nous admettons comme étant le
beau
| ||
HIPPIAS
Sans aucun doute, Socrate
| ||
SOCRATE
Mais l’avantageux est ce qui produit du bien
| ||
HIPPIAS
En effet
| ||
SOCRATE
Mais ce qui produit n’est pas autre chose que la cause, n’est-ce pas
vrai ?
HIPPIAS
Si
| ||
SOCRATE
Dès lors le beau est la cause du bien
| ||
HIPPIAS
En effet
| ||
SOCRATE
Mais la cause, Hippias, et ce dont elle est la cause sont choses
différentes ; car la cause ne saurait être cause de la cause
| ||
Examine la
question de cette manière
| ||
N’avons-nous pas reconnu que la cause
produit un effet ?
HIPPIAS
Si fait
| ||
SOCRATE
Ce qui produit ne produit pas autre chose que l’effet, il ne produit pas
le producteur
| ||
HIPPIAS
C’est exact
| ||
SOCRATE
L’effet est donc une chose, et le producteur une autre
| ||
HIPPIAS
Oui
| ||
SOCRATE
Par conséquent la cause n’est point cause de la cause, mais de l’effet
produit par elle
| ||
HIPPIAS
C’est certain
| ||
SOCRATE
Si donc le beau est la cause du bien, le bien est produit par le beau, et
c’est pour cela, semble-t-il, que nous recherchons la sagesse et toutes
les autres belles choses : c’est que l’oeuvre qu’elles procréent et
enfantent, le bien, mérite d’être recherché, et il semble, d’après ce que
nous venons de constater, que le beau est quelque chose comme le
père du bien
| ||
HIPPIAS
C’est tout à fait cela, et tu as bien parlé, Socrate
| ||
SOCRATE
Ne serait-ce pas aussi bien parler que d’affirmer que le père n’est pas
le fils, ni le fils le père ?
HIPPIAS
Assurément si
| ||
SOCRATE
Et que la cause n’est pas l’effet, ni l’effet la cause ?
HIPPIAS
C’est vrai
| ||
SOCRATE
Dès lors, par Zeus, excellent Hippias, le beau n’est pas non plus le bon,
et le bon n’est pas le beau ; ou crois-tu que cela puisse être, d’après ce
que nous avons dit ?
HIPPIAS
Non, par Zeus, je ne le crois pas
| ||
SOCRATE
Sommes-nous satisfaits de cette conclusion et disposés à dire que le
beau n’est pas bon et que le bon n’est pas beau ?
HIPPIAS
Non, par Zeus, je n’en suis pas satisfait du tout
| ||
SOCRATE
Par Zeus, tu as raison, Hippias, et moi-même, c’est ce qui me satisfait
le moins dans ce que nous avons dit
| ||
HIPPIAS
C’est aussi mon avis
| ||
SOCRATE
XXII
| ||
— Dès lors il semble bien, contrairement à ce qui nous paraissait
juste tout à l’heure, que cette merveilleuse définition qui faisait
consister le beau dans ce qui est avantageux et dans ce qui est utile et
capable de produire quelque bien n’a rien de merveilleux et qu’elle est
même encore, si c’est possible, plus ridicule que les précédentes, où
nous pensions que le beau était une jeune fille et chacune des autres
choses que nous avons énumérées
| ||
HIPPIAS
Il y a toute apparence
| ||
SOCRATE
Et moi, Hippias, je ne sais plus où me tourner, et je suis bien
embarrassé
| ||
Mais toi, as-tu quelque chose à proposer ?
HIPPIAS
Pas pour le moment ; mais, comme je te le disais tout à l’heure, je suis
sûr qu’en réfléchissant je trouverai
| ||
SOCRATE
Mais moi, je ne crois pas, tant je suis avide de savoir, que j’aie la
patience de t’attendre
| ||
Aussi bien, je crois qu’il vient de me venir une
bonne idée
| ||
Vois donc : si nous appelions beau ce qui nous cause du
plaisir, non pas toute espèce de plaisirs, mais ceux qui nous viennent
de l’ouïe et de la vue, comment pourrions-nous défendre cette
opinion ? Il est certain, Hippias, que les beaux hommes, que tous les
dessins en couleur, les peintures, les sculptures charment nos regards,
si elles sont belles, et que les beaux sons, la musique en général, les
discours et les fables produisent le même effet, en sorte que si nous
répondions à cet audacieux questionneur : « Le beau, mon brave, c’est
le plaisir que procurent l’ouïe et la vue», ne crois-tu pas que nous
rabattrions sa hardiesse ?
HIPPIAS
En tout cas, Socrate, je crois que cette fois nous tenons une bonne
définition du beau
| ||
SOCRATE
Mais quoi ! dirons-nous, Hippias, que les belles occupations et les lois
sont belles parce que le plaisir qu’elles donnent vient par la vue ou par
l’ouïe, ou que leur beauté est d’une autre espèce ?
HIPPIAS
Peut-être, Socrate, cette différence échappera-t-elle à notre homme
| ||
SOCRATE
Par le chien, Hippias, elle n’échappera pas à celui devant lequel je
rougirais le plus de déraisonner et de faire semblant de dire quelque
chose lorsque je ne dis rien qui vaille
| ||
HIPPIAS
Quel est celui-là ?
SOCRATE
Socrate, fils de Sophronisque, qui ne me permettrait pas plus
d’avancer de telles propositions sans les vérifier que de me donner
pour savoir ce que je ne sais pas
| ||
HIPPIAS
A vrai dire, moi aussi, après ce que tu as dit, je crois que le cas des lois
est différent
| ||
SOCRATE
Doucement, Hippias ; car il est à présumer que nous sommes tombés
sur la question du beau dans le même embarras que tout à l’heure,
quoique nous pensions avoir trouvé une autre solution
| ||
HIPPIAS
Que veux-tu dire par là, Socrate ?
SOCRATE
Je vais t’expliquer l’idée qui m’apparaît : tu jugeras si elle a quelque
valeur
| ||
Peut-être pourrait-on montrer que nos impressions relatives
aux lois et aux coutumes ne sont point d’une autre sorte que les
sensations qui nous viennent de l’ouïe et de la vue
| ||
Mais bornons-nous
à soutenir cette thèse que le plaisir de ces sensations est le beau, sans y
mêler ce qui regarde les lois
| ||
Mais si l’on nous demandait, soit
l’homme dont je parle, soit tout autre « Pourquoi donc, Hippias et
Socrate, faites-vous une distinction entre le plaisir en général et le
plaisir en particulier que vous appelez beau, et pourquoi prétendez-
vous que les plaisirs des autres sensations, ceux du manger et du boire,
ceux de l’amour et tous les autres du même genre, ne sont pas beaux ?
Est-ce que ce ne sont pas des choses agréables et pouvez-vous soutenir
que les sensations de cette espèce ne causent absolument aucun plaisir
et qu’on n’en trouve que dans la vue et dans l’ouïe ? », que
répondrions-nous, Hippias ?
HIPPIAS
Nous répondrions sans hésiter, Socrate, qu’on trouve aussi dans les
autres sensations de très grands plaisirs
| ||
SOCRATE
« Pourquoi donc, reprendra-t-il, alors que ces plaisirs ne sont pas
moins des plaisirs que les autres, leur ôtez-vous le nom de beaux et les
privez-vous de cette qualité ? — C’est que, dirons-nous, tout le monde
se moquerait de nous, si nous disions que manger n’est pas agréable,
mais beau, et qu’une odeur suave n’est pas chose agréable, mais belle
| ||
Quant aux plaisirs de l’amour, tout le monde nous soutiendrait qu’ils
sont très agréables, mais que, si on veut les goûter, il faut le faire de
manière à n’être vu de personne, parce qu’ils sont très laids à voir
| ||
» Si
nous lui disons cela, notre homme nous répondra peut-être, Hippias :
« Je m’aperçois bien moi-même que si, depuis un moment, vous
rougissez de dire que ces plaisirs sont beaux, c’est qu’ils ne passent
point pour tels dans l’esprit des hommes
| ||
Mais moi, je ne vous
demandais pas ce que le vulgaire trouve beau, mais ce qu’est le beau
| ||
»
Nous lui répondrons, je pense, suivant la définition que nous avons
proposée, que nous appelons beau, nous, cette partie de l’agréable qui
nous vient par la vue et par l’ouïe
| ||
Approuves-tu cette réponse, ou
répondrons-nous autre chose, Hippias ?
HIPPIAS
Etant donné ce qui a été dit, Socrate, on ne peut pas répondre autre
chose
| ||
SOCRATE
« C’est bien, répliquera-t-il
| ||
Si donc le plaisir qui vient de la vue et de
l’ouïe est le beau, il est évident que les plaisirs qui ne viennent pas de
cette source ne sauraient être beaux ? » En conviendrons-nous ?
HIPPIAS
Oui
| ||
SOCRATE
« Maintenant, dira-t-il, le plaisir qui vient par la vue vient-il à la fois
de la vue et de l’ouïe, et celui qui vient par l’ouïe vient-il à la fois par
l’ouïe et par la vue ? — Nullement, dirons-nous ; ce qui vient par l’une
des deux ne saurait venir par les deux, car apparemment c’est là ce que
tu veux savoir ; mais nous avons dit que chacun de ces deux plaisirs est
beau pour sa part et qu’ils le sont tous les deux
| ||
» N’est-ce pas ainsi
que nous répondrons ?
HIPPIAS
C’est bien ainsi
| ||
SOCRATE
« Mais, reprendra-t-il, un plaisir quelconque diffère-t-il d’un autre
plaisir quelconque en tant que plaisir ? Je ne demande pas si un plaisir
est plus grand ou plus petit, s’il est plus ou moins agréable, mais s’il
diffère juste en ce point que l’un est plaisir et l’autre non
| ||
» Il nous
semble que non, n’est-ce pas ?
HIPPIAS
C’est ce qui me semble en effet
| ||
SOCRATE
« C’est donc, continuera-t-il, pour un autre motif que parce qu’ils sont
des plaisirs que vous avez choisi ces deux-là parmi les autres ; vous
voyez en eux quelque caractère qui les distingue des autres et c’est en
considérant cette différence que vous les appelez beaux ; car, sans
doute, ce n’est point parce qu’il vient de la vue que le plaisir de la vue
est beau ; si c’était là la cause de sa beauté, l’autre, celui de l’ouïe, ne
serait pas beau
| ||
Ce n’est donc pas parce qu’il vient de la vue qu’un
plaisir est beau
| ||
» Dirons-nous qu’il a raison ?
HIPPIAS
Nous le dirons
| ||
SOCRATE
Il en est de même du plaisir de l’ouïe : « Ce n’est pas parce qu’il vient
de l’ouïe qu’il est beau ; car, à son tour, le plaisir de la vue ne serait pas
beau ; ce n’est donc pas parce qu’il vient de l’ouïe qu’un plaisir est
beau
| ||
» Reconnaîtrons-nous, Hippias, que l’homme qui tient ce
raisonnement dit la vérité ?
HIPPIAS
Il dit la vérité
| ||
SOCRATE
« Cependant, dira-t-il, ces deux sortes de plaisirs sont beaux, à ce que
vous dites » ; car nous le disons, n’est-ce pas ?
HIPPIAS
Nous le disons
| ||
SOCRATE
« Ils ont donc une même qualité qui fait qu’ils sont beaux, une qualité
commune qui se rencontre à la fois dans tous les deux et dans chacun
en particulier
| ||
Autrement ils ne seraient pas beaux tous les deux
ensemble et chacun séparément
| ||
» Réponds-moi comme tu le ferais à
lui
| ||
HIPPIAS
Je réponds que j’approuve, moi aussi, ce que tu dis
| ||
SOCRATE
Si donc ces plaisirs ont, pris ensemble, un caractère commun, et qu’ils
ne l’aient pas, pris isolément, ce n’est point par ce caractère qu’ils sont
beaux
| ||
HIPPIAS
Comment pourrait-il se faire, Socrate, quand ni l’un ni l’autre n’est
pourvu d’aucune propriété, que cette propriété absente dans chacun
soit présente dans les deux ?
SOCRATE
Tu ne crois pas que ce soit possible ?
HIPPIAS
Il faudrait pour cela que je fusse bien ignorant de la nature de ces
plaisirs et de la manière d’exprimer les objets qui nous occupent
| ||
SOCRATE
Jolie réponse, Hippias
| ||
Mais moi, il me semble que je vois quelque
chose de ce genre que tu déclares impossible ; mais peut-être que je ne
vois rien
| ||
HIPPIAS
Ce n’est pas peut-être, Socrate, c’est très certainement que tu vois mal
| ||
SOCRATE
Cependant il se présente à mon esprit plusieurs choses de cette
espèce ; mais je ne m’y fie pas, parce qu’elles ne se montrent pas à toi,
qui as gagné par ta science plus d’argent qu’aucun homme de nos
jours, mais à moi qui n’ai jamais gagné une obole
|
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