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|---|---|---|
23 - Cronos, en langage familier, signifie à peu près vieux
radoteur
| ||
Aristophane, Nuées, v
| ||
926
| ||
31
Cratyle
supérieure ; et en effet, le nom de Cronos est un
composé de deux parties, dont la première, κόρος,
signifie, non pas le fils, mais bien ce qu’il y a de
plus pur dans l’intelligence, νόος
| ||
Cronos, à son
tour, est, dit-on, fils d’Uranos (le ciel) : on a très
bien appeléUranie, Οὐρανία, ὁρῶσα τὰ ἄνω, la
contemplation des choses d'en haut d’où vient
l’intelligence pure, s’il en faut croire les hommes
qui s’occupent des choses célestes, et qui trouvent
que le ciel a été bien nommé Uranos
| ||
Si je me
rappelais la généalogie d’Hésiode et les noms qu’il
donne aux divinités dont nous venons de parler, je
ne me lasserais pas de démontrer la justesse de ces
noms, jusqu’à ce que j’eusse éprouvé ce que
deviendrait cette sagesse, qui vient de me tomber
soudainement je ne sais d’où, et si elle s’arrêterait
ou non
| ||
Hermogène — En effet, Socrate, il semble que tu te
sois mis tout à coup à rendre des oracles, comme
les inspirés
| ||
Socrate — Je soupçonne que ce talent m’est venu
d’Euthyphron de Prospalte24 ; car j’ai passé toute
ma matinée auprès de lui, à lui prêter l’oreille
| ||
Et
ce n’est peut-être pas seulement mon oreille qu’il
aura remplie de sa science divine ; sans doute il se
24 - Cet Euthyphron est le théologien superstitieux du dialogue
qui porte son nom
| ||
Prospalte, dème de l'Attique, appartenant à la
tribu Acamantide
| ||
32
Cratyle
sera emparé, aussi de mon esprit
| ||
Eh bien, voici ce
que je te propose : profitons-en pour aujourd’hui,
et voyons ce qui nous reste à examiner sur la
question des noms
| ||
Demain, mes amis, si vous le
trouvez bon, nous procéderons à l’exorcisme et à la
purification, en nous adressant pour cette affaire à
quelqu’un qui s’y entende, soit prêtre, soit sophiste
| ||
Hermogène — Pour ma part, Socrate, j’y consens
volontiers : j’aurais beaucoup de plaisir à entendre
ce qui reste à dire sur les noms
| ||
Socrate — Soit ; par où veux-tu que nous
commencions, puisque nous voilà engagés dans
une sorte d’exa- men régulier pour éprouver si les
noms peuvent rendre témoignage par eux-mêmes
qu’ils ne sont point tout-à-fait l’ouvrage du hasard,
et qu’ils ont une certaine propriété naturelle
| ||
Les
noms des hommes et des demi-dieux pourraient
nous induire en erreur ; car un grand nombre sont
purement héréditaires, et souvent ne conviennent
nullement à ceux qui les ont reçus, comme nous
l’avons remarqué
| ||
Un grand nombre sont donnés
par forme de vœu, tels que Eurtychidès (fortuné),
Sosie (sauvé), Théophile (chéri de Dieu), et
beaucoup d’autres
| ||
Je pense donc que nous ferons
bien d’abandonner ce genre de noms
| ||
Les noms
véritablement propres se trouveront surtout, selon
toute apparence, parmi ceux qui se rapportent aux
choses éternelles et à la nature
| ||
Ceux-ci, en effet,
ont dû être établis avec un soin particulier ; peut-
33
Cratyle
être même plusieurs viennent-ils d’une puissance
plus haute et plus divine que celle des hommes
| ||
Hermogène — Cela me paraît bien dit, Socrate
| ||
Socrate — Ne serait-il pas juste de commencer par
les dieux, et de considérer quelle peut être la raison
de ce nom de dieux, θεοί, qu’on leur donne ?
Hermogène — Peut-être bien
| ||
Socrate — Voici ce que je soupçonne
| ||
Je crois que
les anciens habitants de la Grèce ne
reconnaissaient d’autres dieux (comme aujourd’hui
une grande partie des Barbares) que le soleil, la
lune, la terre, les astres et le ciel ; et qu’observant
leur mouvement et leur course perpétuelle, ils les
auront appelés dieux, θεοί, d’après cette propriété
de courir, θεîν ; et que ce nom s’étendit par la suite
aux nouvelles divinités qu’ils reconnurent
| ||
Ce que
je te dis là te semble-t-il probable ?
Hermogène — Très probable
| ||
Socrate — Et maintenant de quoi nous occuperons-
nous ?
Hermogène — Régulièrement, ce doit être des
démons, des héros et puis des hommes
| ||
Socrate — Des démons d’abord
| ||
Quel peut être le
vrai sens de ce nom, Hermogène ? Vois si ma
conjecture te paraît juste
| ||
Hermogène — Parle
| ||
Socrate — Ne sais-tu pas quels étaient ces démons,
suivant Hésiode ?
34
Cratyle
Hermogène — Je ne me le rappelle pas
| ||
Socrate — Et que, selon lui, la première race des
hommes a été la race d’or ?
Hermogène — Pour cela, je m’en souviens
| ||
Socrate — Hésiode nous dit à ce sujet :
Or, depuis que la Parque a caché cette race
d’hommes,
Ils sont appelés démons, habitants sacrés des
régions souterraines,
Bienfaisants, tutélaires, gardiens des
mortels25
| ||
Hermogène — Oui, eh bien ?
Socrate — D’abord, je ne pense pas qu’il veuille
dire que cette race d’or fut véritablement formée
d’or, mais plutôt qu’elle était bonne et vertueuse :
et la preuve que j’en donne, c’est que nous-mêmes
il nous appelle race de fer
| ||
Hermogène — Tu as raison
| ||
Socrate — Ne crois-tu pas que si Hésiode voyait
quelqu’un de bon parmi les hommes de nos jours,
il le mettrait parmi la race d’or ?
Hermogène — Je le crois
| ||
Socrate — Et les bons sont-ils autre chose que des
sages ?
Hermogène — Ce sont des sages
| ||
25 - Hésiode, les Trav
| ||
et les Jours, v
| ||
120-1-2
| ||
35
Cratyle
Socrate — Or c’est là surtout, suivant moi, ce que
sont les démons pour Hésiode : s’il les a ainsi
appelés, c’est parce qu’ils étaient sages et
intelligents, δαήµονες ; c’est un terme de notre
ancienne langue grecque
| ||
Hésiode a donc bien
raison, lui et beaucoup d’autres poètes, lorsqu’ils
disent qu’à la mort, l’homme sage entre en
possession d’une haute et noble destinée, et
devient démon ; c’est la sagesse qu’exprime cette
dénomination
| ||
Et moi, à mon tour, comme je tiens
tout homme bon pour sage, δαήµων, je dis que
durant sa vie, comme après sa mort, il est au rang
d’un démon, et que ce nom lui appartient à juste
titre
| ||
Hermogène — Je partage tout-à-fait ton sentiment,
Socrate
| ||
Et maintenant, qu’est-ce que le héros ?
Socrate — Cela n’est pas très difficile à trouver
| ||
Ce
nom s’est peu éloigné de son origine, et il indique
clairement la race de l’amour, ἔρως
| ||
Hermogène — Comment cela ?
Socrate — Ignores-tu que les héros sont demi-
dieux ?
Hermogène — Eh bien ?
Socrate — Or, tous ont dû leur naissance à l’amour,
ou d’un dieu pour une mortelle, ou d’un mortel
pour une déesse
| ||
Tu m’entendras mieux, si tu
consultes à ce sujet l’ancienne langue attique
| ||
Tu
reconnaîtras que pour former le nom des héros, on
36
Cratyle
s’est peu éloigné de celui de l’amour, ἔρως, auquel
ils doivent la naissance26
| ||
C’est sûrement là ce que
ce nom signifie, à moins de dire que ces héros
étaient des sa vans, de grands rhéteurs, des
dialecticiens très habiles à interroger, ἐρωτᾷν ; car
εἴρειν signifie parler
| ||
De cette manière, comme je
l’ai déjà dit, ceux que nous nommons héros se
trouvent être, en langage attique, des rhéteurs,
d’habiles questionneurs ; et ainsi la race des
rhéteurs et des sophistes devient pour nous la race
héroïque
| ||
Mais il n’y a pas là de difficulté : il y en a
bien plus à trouver la raison qui nous a fait appeler
hommes, ἄνθρωποι : pourrais-tu la dire ?
Hermogène — Comment le pourrais-je, mon cher
Socrate ? Et quand même je le pourrais, je me
garderais bien de l’essayer, comptant bien plus sur
toi que sur moi dans cette recherche
| ||
Socrate — À ce qu’il paraît, tu as foi aux
inspirations d’Euthyphron
| ||
Hermogène — Certainement
| ||
Socrate — C’est fort bien fait ; car il me semble que
j’ai en tête une assez bonne réponse à la question
que je t’adressais, et je risque fort, si je n’y prends
garde, de me trouver encore aujourd’hui plus
habile que de raison
| ||
Fais attention à ce que je vais
26 - À cause de l'emploi de la lettre ε au lieu de l'η dans l'ancien
dialecte attique
| ||
37
Cratyle
dire ; mais d’abord tu dois remarquer que souvent
nous insérons des lettres, souvent nous en
retranchons dans les mots dont nous voulons nous
servir pour nommer quelque chose, et que nous
changeons la place des accents ; par exemple, Διὶ
φίλος, chéri de Jupiter, dont nous faisons le nom
de Diphilos
| ||
Pour convertir en un nom toute la
proposition nous retranchons le second ι, et
d’accentuée qu’elle était, nous rendons grave la
syllabe du milieu
| ||
Il est au contraire d’autres noms
où nous ajoutons des lettres, et où nous plaçons
l’accent sur des syllabes qui étaient graves
auparavant
| ||
Hermogène — Cela est vrai
| ||
Socrate — Or c’est, à mon avis, une modification
semblable qu’a éprouvée le nom d’homme,
ἄνθρωπος
| ||
D’une proposition on a fait un nom, en
retranchant un α, et en rendant grave la
terminaison
| ||
Hermogène — Que veux-tu dire ?
Socrate — Le voici: ce nom d’ἄνθρωπος signifie
que, tandis que les autres animaux ne savent ni
observer, ni étudier, ni contempler ce qu’ils voient,
l’homme a cet avantage que tout en voyant ὅπωπε,
il observe et contemple, ἀναθρεῖ, ce qu’il voit
| ||
C’est
donc avec raison qu’on a tiré le nom d’homme de
cette faculté qui lui appartient exclusivement entre
38
Cratyle
tous les animaux, de savoir contempler ce qu’il
voit, ἀναθρῶν ἃ ὅπωπε
| ||
Hermogène — Socrate, veux-tu que je t’interroge
sur les noms que j’aimerais à connaître ?
Socrate — Très volontiers
| ||
Hermogène — Aussi bien, je pense que ce sera la
suite de ce que tu viens de dire
| ||
Nous disons l’âme,
ψυχὴ, et le corps, σῶµα, de l’homme ?
Socrate — Certainement
| ||
Hermogène — Tâchons donc d’éclaircir ces mots
comme les précédents
| ||
Socrate — Tu souhaites que nous examinions
d’abord la propriété du mot âme, ensuite celle du
mot corps ?
Hermogène — Oui
| ||
Socrate — Au premier coup d’œil, voici, je crois,
quelle pouvait être la pensée de ceux qui ont fait le
nom d’âme, ψυχὴ
| ||
Tant que l’âme habite avec le
corps, elle est la cause de sa vie, le principe qui lui
donne la faculté de respirer et qui le rafraîchit,
ἀναψῦχον ; et dès que le principe rafraîchissant
l’abandonne, le corps se détruit et meurt
| ||
C’est de
là, à ce qu’il me semble, qu’est venu le nom de
ψυχή
| ||
Mais non ; attends, je te prie
| ||
Je crois
entrevoir une explication qui serait mieux
accueillie chez Euthyphron ; car il se pourrait bien
qu’on y dédaignât celle que je viens de donner,
39
Cratyle
comme un peu grossière
| ||
Vois donc si toi-même tu
trouveras celle-ci préférable
| ||
Hermogène — Parle
| ||
Socrate — À ton avis, qu’est-ce qui conduit et
voiture notre corps pour le faire vivre et marcher ?
N’est-ce pas l’âme ?
Hermogène — Oui
| ||
Socrate — Et ne crois-tu pas, avec Anaxagoras, qu’il
existe une intelligence et une âme qui ordonne et
maintient toutes choses ?
Hermogène — Je le crois
| ||
Socrate — C’était donc fort bien fait de donner à
cette force qui voiture et maintient la nature, φύσιν
ὄχει καὶ ἔχει, le nom de φυσέχη, dont on a pu faire
pour plus d’élégance ψυχή
| ||
Hermogène — Fort bien, je trouve cette explication
plus savante que l’autre
| ||
Socrate — Il est vrai ; et pourtant ce mot paraît fort
bizarre, prononcé comme il a été formé
| ||
Hermogène — Eh bien,que dirons-vous du mot qui
doit suivre ?
Socrate — Du mot corps, σῶµα ?
Hermogène — Oui
| ||
Socrate — Pour peu qu’on touche à sa forme
actuelle, je vois à ce mot plus d’une origine
| ||
Quelques-uns appellent le corps le tombeau, σῆµα,
40
Cratyle
de l’âme où elle serait présentement ensevelie27 ;
en outre, c’est par le corps que l’âme signifie tout ce
quelle veut signifier ; et, à ce titre, le nom de σῆµα,
qui veut aussi dire signe, est encore parfaitement
convenable
| ||
Mais je crois que les disciples
d’Orphée considèrent le nom de σῶµα comme
relatif à la peine que l’âme subit durant son séjour
dans le corps en expiation de ses fautes
| ||
Ainsi cette
enceinte corporelle serait comme la prison où elle
est gardée, σώζεται
| ||
Le corps est donc, comme son
nom le porte, sans qu’il soit besoin d’y changer
aucune lettre, ce qui conserve, τὸ σῶµα28, l’âme,
jusqu’à ce qu’elle ait acquitté sa dette
| ||
Hermogène — Tout cela me paraît satisfaisant,
Socrate
| ||
Ne pourrions-nous pas maintenant, ainsi
que tu las fait tout à l’heure pour le nom de Jupiter,
examiner de la même manière quel peut être le
sens propre des noms des autres divinités
| ||
Socrate — Par Jupiter, mon cher Hermogène, si
nous étions sages, le mieux serait de dire que nous
ne savons rien touchant les dieux, ni sur eux-
mêmes, ni sur les noms dont ils s’appellent entre
eux ; car pour ceux-ci, nul doute que ce ne soient
les noms véritables
| ||
Le parti le plus convenable
27 Voyez le Gorgias, trad
| ||
franc
| ||
, t
| ||
III, p
| ||
316
28 - De σαόω qui fait à l'aoritte ἐσώθην
| ||
Car σώζω donnerait
σῶσμα et non pas σῶμα
| ||
Heindorf
| ||
41
Cratyle
après celui-là, ce serait de nous conformer à la loi
qui ordonne à chacun d’appeler les dieux, dans ses
prières, des noms dont ils aiment à être appelés
| ||
Cette pratique me paraît très sage
| ||
Nous pouvons
donc nous livrer à la recherche que tu me proposes,
après avoir protesté d’avance auprès des dieux que
ce n’est point sur eux que
| ||
nous portons notre
examen, nous nous en reconnaissons incapable,
mais plutôt sur l’opinion que les hommes se sont
faite des dieux, et d’après laquelle ils leur ont
donné des noms
|
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