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|---|---|---|
108
Cratyle
Socrate — Et tu fais bien, mon ami, s’il en est
réellement ainsi ; il ne faut pas nous épuiser en
chicanes
| ||
Si donc l’application du nom à l’objet
peut être faite avec propriété ou être impropre,
nous conviendrons d’appeler la première vraie, et
la seconde fausse
| ||
Mais s’il est possible de faire des
noms une application impropre, et de les rapporter
à des choses auxquelles ils ne conviennent pas, on
en peut faire autant des verbes
| ||
Et si cela est vrai
des noms et des verbes, cela l’est aussi des
phrases ; car les phrases sont un assemblage des
uns et des autres
| ||
Qu’en penses-tu, Cratyle ?
Cratyle — Je pense comme toi, Socrate, et je crois
que tu as raison
| ||
Socrate — Maintenant si nous comparons les mots
primitifs à des images, il peut se faire qu’on donne
à une peinture toutes les formes et toutes les
couleurs qui conviennent au modèle, comme aussi
on peut ne pas les donner toutes, en négliger ou en
ajouter quelques-unes, tantôt plus, tantôt moins
| ||
N’est-il pas vrai ?
Cratyle — Sans doute
| ||
Socrate — Et celui qui saura les rendre toutes, fera
de beaux dessins et de beaux tableaux ; celui au
contraire qui en ajoutera ou en retranchera, fera
aussi des dessins et des tableaux, mais de mauvais
| ||
Cratyle — Oui
| ||
109
Cratyle
Socrate — Hé bien, si celui qui veut imiter la nature
des choses au moyen des syllabes et des lettres,
réunit toutes celles qui conviennent, l’image qui en
résultera ne sera-t-elle pas bonne ? et cette image
n’est autre chose que le nom
| ||
Si au contraire il
omet ou ajoute tant soit peu de lettres ou de
syllabes, n’est-il pas vrai qu’il en résultera encore
une image, mais qui ne sera pas bonne ? en sorte
qu’il y aura des noms bien faits, et de mal faits
| ||
Cratyle — Peut-être
| ||
Socrate — Peut-être donc se trouvera-t-il de bons
et de mauvais faiseurs de noms ?
Cratyle — Oui
| ||
Socrate — Et ne les appelions-nous pas
législateurs ?
Cratyle —Oui
| ||
Socrate —Peut-être donc en sera-t-il de cet art
comme de tous les autres arts : il y aura de bons
législateurs et de mauvais ; c’est la conséquence de
tout ce que nous venons de reconnaître
| ||
Cratyle — C’est fort bien ; mais tu vois, Socrate, que
lorsque nous avons formé les noms, suivant les lois
de l’art de la grammaire, avec l’a, le b, ou autres
lettres, si nous venons à ajouter, retrancher, ou
seulement déplacer quelqu’un de ces éléments, on
ne pourra plus dire que nous écrivons ce mot, et
que seulement nous ne l’écrivons pas comme il
faut ; je dis que nous ne l’écrivons plus du tout, et
110
Cratyle
qu’il devient tout autre du moment qu’on lui a fait
subir quelqu’une de ces modifications
| ||
Socrate — J’ai bien peur, Cratyle, que cette manière
de voir ne soit pas juste
| ||
Cratyle — Comment cela ?
Socrate — Il se peut bien qu’il en soit comme tu le
dis, pour tout ce dont l’existence ou la non-
existence dépend d’un nombre déterminé
| ||
Par
exemple, si à dix, ou à tout autre nombre, tu
ajoutes ou tu retranches quelque chose, tu as
aussitôt un nombre différent
| ||
Mais la justesse
d’une chose qui consiste, comme l’image, dans
certaine qualité, n’est pas aux mêmes conditions
| ||
Au contraire, pour être image, il ne faut pas que
l’image représente complètement la chose imitée
| ||
Vois si j’ai raison : y aurait-il réellement ces deux
choses, savoir Cratyle et l’image de Cratyle, si
quelque divinité avait représenté dans limage non
seulement la couleur et la forme du modèle,
comme font les peintres, mais encore tout
l’intérieur de ta personne, tel qu’il est, avec le
même degré de mollesse et de chaleur, même
mouvement, même âme, même raison ; en un mot,
si elle t’avait reproduit tout entier, et que, la copie
achevée, elle l’eût placée auprès de toi, y aurait-il là
Cratyle et l’image de Cratyle, ou bien deux
Cratyles ?
111
Cratyle
Cratyle — Il me semble, Socrate, que cela ferait
deux Cratyles
| ||
Socrate — Tu vois donc, mon ami, que nous devons
modifier l’idée que nous nous étions faite de la
propriété d’une image ; et ne pas vouloir à toute
force que ce ne soit plus une image, dès qu’il y
manque quelque chose ou qu’il s’y trouve quelque
chose de trop
| ||
Ne sens-tu pas de combien il s’en
faut que les images renferment exactement tout ce
qui se rencontre dans leurs modèles ?
Cratyle — Si fait
| ||
Socrate — Véritablement, Cratyle, ce serait une
plaisante aventure si les choses et leurs noms
devenaient semblables en tout point
| ||
Tout se
trouverait double, et il n’y aurait plue moyen de
distinguer où serait le nom et où serait la chose
| ||
Cratyle — Tu as raison
| ||
Socrate — Consens donc, sans hésiter davantage,
brave Cratyle, à reconnaître des noms qui
conviennent aux choses et d’autres qui ne leur
conviennent pas ; et n’exige pas qu’ils renferment
toutes les lettres nécessaires pour les rendre de
tout point conformes à ce qu’ils désignent ; mais
plutôt accorde-nous que, dans un mot, peut être
introduite telle lettre qui ne soit pas convenable ; et
si une lettre dans un mot, un mot dans la phrase ;
si un mot dans la phrase, une phrase dans le
discours, sans qu’il faille contester pour cela que
112
Cratyle
les mots et le discours expriment la chose, du
moment que l’on y trouve le caractère distinctif de
cette chose, comme nous l’avons trouvé en
examinant les noms des lettres ; car tu te rappelles
ce que nous en avons dit précédemment
Hermogène et moi
| ||
Cratyle — Oui, je m’en souviens
| ||
Socrate — La chose sera donc nommée, si ce
caractère se retrouve dans le nom, lors même que
tous les traits convenables n’y seraient pas
rassemblés ; le nom sera bon, si ces traits y sont
tous ; mauvais, s’il n’y en a que fort peu
| ||
Consentons à reconnaître encore là le discours,
cher Cratyle, si nous ne voulons pas payer
l’amende, comme à Égine, quand on se trouve
encore en route à une certaine heure de la nuit ;
car
| ||
on pourrait dire que nous sommes en vérité
bien lents à arriver des noms aux choses
| ||
Ou bien,
cherche une autre explication de la propriété du
nom, et conteste-nous qu’il soit la représentation
des choses au moyen des lettres et des syllabes :
car, enfin, tu ne peux, sans te contredire toi-même,
maintenir à la fois ce que tu disais et ce que tu
viens de m’accorder
| ||
Cratyle — Tout cela, Socrate, me paraît bien dit, et
je l’admets
| ||
Socrate — Puisque nous voilà d’accord,
poursuivons
| ||
Pour que le nom soit bien fait,
113
Cratyle
disions-nous, il faut qu’il renferme les lettres
convenables
Cratyle — Oui
| ||
Socrate — Et ces lettres sont celles qui ont de la
ressemblance avec les objets
| ||
Cratyle — Soit
| ||
Socrate — Voilà pour les mots bien faits
| ||
Quant aux
autres, il faut bien encore, puisque enfin ce sont
des images, que la plupart des lettres dont ils se
composent, soient convenables et conformes aux
choses ; mais en même temps ils en renfermeront
d’autres qui ne le seront pas, et c’est par là que ces
noms devront être estimés mauvais
| ||
Est-ce ainsi
que nous l’entendons ?
Cratyle — Je ne le contesterai pas, Socrate, moi qui
ne voudrais pas même avouer pour nom tout nom
qui ne serait pas bien fait
| ||
Socrate — N’admets-tu pas que le nom doit être
une représentation de l’objet ?
Cratyle — Sans doute
| ||
Socrate — Et trouves-tu que l’on puisse dire des
noms que les uns sont primitifs, les autres formés
de ceux-là ?
Cratyle — Oui
| ||
Socrate — Mais si ces primitifs doivent être autant
de représentations de leurs objets, conçois-tu un
meilleur moyen de les rendre tels que de les faire
aussi semblables que possible à ce qu’ils doivent
114
Cratyle
exprimer ? Ou bien aimes-tu mieux dire avec
Hermogène, et beaucoup d’autres, que les noms
sont des conventions qui ne représentent rien qu’à
ceux entre lesquels la convention s’est faite et qui
avaient connu d’abord les choses elles-mêmes, que
la convention en un mot fait toute la propriété des
noms, et qu’il est fort indifférent qu’on les ait
établis comme nous voyons qu’on l’a fait, ou bien
tout au rebours ; comme si nous appelions grand ce
que nous appelons petit, et petit ce que nous
appelons grand ? Laquelle de ces doctrines
préfères-tu ?
Cratyle — Sans comparaison, Socrate, il vaut mieux
représenter les choses par l’imitation que d’une
façon entièrement arbitraire
| ||
Socrate — Fort bien
| ||
Mais pour que les noms soient
con- formes aux choses, n’est-il pas nécessaire que
les lettres aussi soient naturellement semblables
aux choses, puisque c’est avec les lettres que les
noms primitifs doivent être formés ? Je
m’explique ; aurait-on jamais pu rendre le tableau
dont nous parlions tout à l’heure, semblable au
modèle qu’il représente, si la nature n’eût fourni
pour le composer des couleurs pareilles à celles du
modèle ? L’aurait-on pu ?
Cratyle — Nullement
| ||
Socrate — Et de même, les noms ressembleraient-
ils jamais à quoi que ce fût, si les éléments qui les
115
Cratyle
composent ne se trouvaient pas avoir
naturellement de la ressemblance avec les choses
dont les noms nous offrent l’image ; et ces
éléments, ne sont-ce pas les lettres ?
Cratyle — Oui
| ||
Socrate — Suis-moi donc maintenant dans la
même recherche où je suis entré avec Hermogène
Par exemple, trouves-tu que nous ayons raison de
dire que la lettre ρ est propre à exprimer le
changement de lieu, le mouvement, la rudesse ?
Cratyle — Assurément
| ||
Socrate — Et la lettre λ à exprimer ce qui est poli,
doux, et les autres qualités analogues dont nous
avons parlé ?
Cratyle — Oui
| ||
Socrate — Tu sais sans doute que ce que nous
appelons σκληρότης, rudesse et les Erétriens
l’appellent σηληροτήρ
| ||
Cratyle — Je le sais
| ||
Socrate — Ce ρ et ce ς ressemblent-ils donc à la
même chose ? Le mot présente-t-il la même idée à
ceux qui le terminent en ρ, et à nous qui le
terminons en ς, ou le sens est-il différent ?
Cratyle — Il est clair que c’est le même sens
| ||
Socrate — Cela viendrait-il de ce que le ρ et le ς
sont semblables entre eux, ou de ce qu’ils ne le sont
pas ?
Cratyle — De ce qu’ils sont semblables
| ||
116
Cratyle
Socrate — Semblables absolument ?
Cratyle — Du moins, je pense, pour l’expression du
mouvement
| ||
Socrate — Mais ce λ placé dans le mot σκληρότης
n’exprime-t-il pas le contraire de la rudesse ?
Cratyle — Peut-être en effet n’est-il pas bien à sa
place, Socrate Tu as assez retranché ou ajouté de
lettres, partout où il le fallait, dans les explications
que tu as données à Hermogène ; et pour moi, je
trouvais que tu faisais bien ; de même ici, peut-être
faudrait-il substituer un ρ au λ
| ||
Socrate — Je suis de ton avis ; mais quoi, de la
façon dont nous prononçons aujourd’hui ce mot
σκληρόν, rude, est-ce que nous ne nous
comprenons pas mutuellement ? Toi-même, ne
l’entends-tu pas en ce moment même où je le
prononce ?
Cratyle — Je l’entends, cher Socrate, à cause de
l’usage
| ||
Socrate — Mais quand tu dis l’usage, crois-tu parler
d’autre chose que d’une convention ? L’usage ne
consiste-t-il pas en ce que, quand je prononce un
mot, je conçois quelque chose, et que toi, en même
temps, tu reconnais que c’est à cette chose que je
pense ? Ne l’entends-tu pas ainsi ?
Cratyle — Oui
| ||
117
Cratyle
Socrate — Si donc tu reconnais l’objet lorsque je
prononce un mot, je me suis fait comprendre de
toi
| ||
Cratyle — Il est vrai
| ||
Socrate — Et pourtant c’est au moyen de quelque
chose qui ne ressemble pas à ce que j’ai en pensée
lorsque je parle, s’il est vrai, comme tu l’avoues,
que la lettre λ n’ait rien qui ressemble à la rudesse
| ||
Qu’y a-t-il là autre chose qu’une convention que tu
as faite avec toi-même, et qui devient pour toi la
règle unique de la propriété du nom, s’il est vrai
que les lettres une fois reçues par l’usage et la
convention désignent aussi bien ce qu’elles
n’imitent pas que ce qu’elles imitent ? Et quand
même l’usage ne serait pas une pure convention,
toujours ne faudrait-il pas faire dépendre la
signification de la ressemblance, mais de l’usage
| ||
Car c’est l’usage, à ce qu’il paraît, qui désigne les
choses, par le dissemblable comme par le
semblable
| ||
Ainsi, Cratyle, puisque nous sommes
d’accord sur tout ceci ; car ton silence est pour moi
un consentement ; il nous faut bien reconnaître
que la convention et l’usage contribuent pour
quelque chose au choix des termes dont nous nous
servons pour exprimer nos pensées
| ||
Prenons, par
exemple, les noms de nombre
| ||
Où trouverais-tu
pour chaque nombre un nom qui lui ressemblât, si
tu ne t’en rapportais un peu sur la propriété des
noms à un accord, à une convention faite avec toi-
118
Cratyle
même ? Pour moi, j’aime sans doute que les noms
ressemblent autant que possible aux objets ; mais
en vérité il faut prendre garde, comme disait
Hermogène, de trop foire violence aux mots pour
les ramener à cette ressemblance, et on est souvent
contraint, pour en justifier le sens, d’en appeler
tout simplement à la convention
| ||
Mais le nom le
mieux fait est celui qui se compose entièrement, ou
du moins en grande partie, d’éléments semblables
aux choses, car ce sont là ceux qui conviennent ; le
nom le plus mal fait est celui qui n’en renferme
aucun
| ||
Dis-moi maintenant quelle vertu nous
devons reconnaître aux noms et quel est le bien
qu’ils produisent
| ||
Cratyle — Je crois, Socrate, qu’ils ont la vertu
d’enseigner, et qu’on peut dire, sans restriction,
que qui sait les noms sait aussi les choses
| ||
Socrate — Peut-être, Cratyle, l’entends-tu en ce
sens, que quand on sait ce qu’est le nom, comme le
nom est semblable à la chose, on sait également ce
qu’est celle-ci, puisque la connaissance des choses
qui se ressemblent appartient à une seule et même
science
| ||
Telle est, je crois, ta pensée, quand tu dis
que qui sait le nom sait aussi la chose
| ||
Cratyle — C’est cela même
| ||
Socrate — Voyons donc ce que c’est que cette
manière d’enseigner les choses dont tu viens de
parler, et s’il n’y en a pas une autre, quoique
119
Cratyle
inférieure à celle-ci, ou bien si celle-ci
| ||
est la seule
| ||
De ces deux opinions, quelle est la tienne ?
Cratyle — La dernière, savoir qu’il n’existe
absolument pas d’autre enseignement, que celui
dont nous avons parlé est unique et qu’il est
excellent
| ||
Socrate — Mais crois-tu que ce soit là en quoi
consiste l’art de trouver les choses, et que celui qui
a trouvé les noms ait aussi découvert les choses
qu’ils désignent, ou enfin, que si telle est la
méthode pour apprendre, il n’y en ait pas une autre
pour chercher et pour découvrir
| ||
Cratyle — Non, l’unique méthode de recherche et
d’invention est encore celle dont nous parlons
| ||
Socrate — Supposons donc, Cratyle, un
| ||
homme
qui, dans là recherche de la nature des choses, ne
prendrait d’autres guides que les noms
| ||
Ne penses-
tu pas qu’il courrait grand risque de se tromper ?
Cratyle — Comment cela ?
Socrate — Il est bien clair, disons-nous, que celui
qui a composé les noms les a formés d’après la
manière dont il concevait les objets eux-mêmes ;
n’est-il pas vrai ?
Cratyle — Oui
| ||
Socrate — Et si celui-là ne les concevait pais bien,
et qu’il leur ait donné des noms conformes à sa
manière de les concevoir, que pouvons-nous faire
en le suivant, que de nous tromper ?
120
Cratyle
Cratyle — Mais, Socrate, il n’en peut être ainsi, il
faut de toute nécessité ou bien que celui qui établit
les noms les établisse avec la connaissance des
choses, ou bien, comme je disais tout à l’heure,
qu’il n’y ait pas absolument de nom
| ||
Et la meilleure
preuve que l’auteur des noms ne s’est pas trompé,
c’est cette concordance qu’il a su mettre entre tous
| ||
N’avais-tu pas toi-même cette pensée quand tu
nous faisais remarquer l’analogie et la tendance
commune de tous les noms ?
Socrate — Mais cela même, mon cher Cratyle, n’est
pas encore une apologie suffisante
| ||
Il serait tout
simple que si celui qui a établi les noms avait
commencé par commettre une erreur, il y eût
ramené par force et fait concorder tout le reste, il
n’y aurait là rien d’étonnant ? de même que dans la
construction d’une figure géométrique, si l’on part
d’une erreur légère et presque insensible, il faut
que toute la suite y réponde
| ||
Chacun doit donc en
toute chose s’assurer par la plus sérieuse réflexion
et le plus soigneux examen, si le principe est juste
ou s’il ne l’est point ; et c’est quand le principe est
une fois bien éprouvé que toutes les conséquence
doivent en découler naturellement
| ||
Au reste, je
serais un peu étonné que les noms fussent
parfaitement d’accord les uns avec les autres
| ||
Revenons donc à ce que nous avons précédemment
examiné
| ||
Nous disions que les noms nous
représentent le monde comme livré à un
121
Cratyle
mouvement et à un flux universel
| ||
N’est-ce pas le
sens que tu leur attribues ?
Cratyle — Assurément, et ce sens est tout à fait
juste
| ||
Socrate — Reprenons d’abord
| ||
le mot ἐπιστήµη,
science ; c’est un mot ambigu, maïs qui paraît
exprimer plutôt l’arrêt de l’âme sur les choses,
ἵστησιν ἐπὶ que son mouvement de concert avec
elles, en sorte qu’il vaudrait mieux prononcer le
commencement, comme on le fait aujourd’hui, et
au lieu de retrancher l’ε, ajouter un ι : ἐπειστήµη
| ||
Le mot βέβαιον, stable, semble offrir l’image d’une
base, βάσις, d’un état stationnaire et non pas du
mouvement
| ||
ἱστορία, histoire, paraît signifier ce
qui arrête le mouvement, ἵστησϊ τ ὸ ῥοῦν
| ||
Πίστον,
croyable, renferme évidemment ἱστᾶν, arrêter
| ||
Μνήµη, mémoire, indique clairement la
permanence, µονή, dans l’âme, et non pas un
mouvement
| ||
Qu’on examine en outre les mots
ἁµαρτία, erreur, et ξυ µφορά, accident, et on y
trouvera un sens analogue à celui que nous avions
donné à ξύνεσις, compréhension, à ἐπιστήµη,
science, et à beaucoup d’autres qui désignent des
choses dignes de louange83
| ||
A côté de ces exemples
83 - Les étymologies auxquelles Socrate fait allusion paraissent
être, pour ἁραρτία, ὁμαρτεῖν, aller de compagnie, ou
ἁμάρροια, flux simultané ; et pour συμφόρα, συν φέρεσθαι,
être porté avec
| ||
122
Cratyle
viennent se placer les mots ἀµαθία, ignorance, et
ἀκολασία, intempérance, le premier désignerait le
mouvement d’un être allant ensemble avec Dieu,
ἅµα τῷ Θεῷ ἰόν ; et dans le second je retrouve
clairement l’action de suivre les choses, ἀκολουθία
| ||
De là il résulterait que les noms que nous donnons
aux choses les plus mauvaises seraient entièrement
semblables aux noms des choses les meilleures
| ||
Je
ne doute pas qu’en s’y appliquant on ne trouvât un
grand nombre d’exemples de ce genre, d’où on
pourrait conclure que l’auteur des noms a voulu
exprimer, non pas que les choses sont en
mouvement, mais au contraire qu’elles sont
immobiles
| ||
Cratyle — Cependant, Socrate, tu vois que le
premier sens est celui que l’auteur des noms a
donné au plus grand nombre de mots
|
Subsets and Splits
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